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analyse

Plan d'urgence sur l'emploi : Gattaz redoute la «pasteurisation des bonnes intentions»

Le patron des patrons s'est gardé d'accueillir avec trop d'enthousiasme les annonces de Hollande sur l'emploi

Pierre Gattaz le 11 janvier à Matignon. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
Publié le 19/01/2016 à 15h52, mis à jour le 19/01/2016 à 16h26

Pour un peu, Pierre Gattaz l’aurait applaudi. En écoutant le chef de l’Etat présenter son plan d’urgence pour l’emploi à la tribune du Conseil économique social et environnemental (Cese), le patron des patrons a mesuré à quel point le lobbying actif du Medef ces dernières années était payant. Mardi devant la presse, c’est pourtant bien plus à ses non-dits qu’à ses louanges que se mesurait sa satisfaction.

Du discours de François Hollande, Pierre Gattaz retient surtout un diagnostic élyséen «bon, intéressant, pragmatique». «Le Président a parlé de mutations vertigineuses, réhabilité la valeur travail, valorisé l'entrepreneuriat», dit Gattaz. «Pour la première fois, j'ai entendu un chef de l'Etat parler de notre modèle économique et social. Economique, le mot a été prononcé alors que l'on souffre d'un modèle social hors sol depuis des années.» En dépit de «mesures qui vont dans le bon sens», la suite pourtant l'a laissé sur sa faim. C'est du moins ce que Pierre Gattaz veut que l'on retienne.

Litanie de récriminations

Histoire de lever tout doute, le patron des patrons entonne la litanie de ses récriminations : il dit sa «grande déception» devant l'absence d'«amélioration» du contrat de travail alors même que l'Espagne fait désormais de la baisse prolongée du chiffre d'affaires un motif de licenciement et que l'Italie a porté à trois ans la période d'essai pour un CDI. «Notre contrat de travail est encore anxiogène», insiste Gattaz, qui sait pourtant depuis l'automne l'exécutif fermé à cette exigence-là. Il enchaîne avec cette exaspérante histoire de prime à l'emploi (2 000 euros par an correspondant au reliquat de cotisations encore payées par les entreprises en deçà de 1,3 fois le Smic). «On n'est pas des chasseurs de prime !» s'agace-t-il, tout s'empressant d'ajouter qu'il «la souhaite quand même»… Mais pour le patron du Medef, l'objectif ne sera atteint que quand les diverses primes (y compris celles liées au CICE), par nature «aléatoires», seront transformées en baisse de charges «lisibles» et «pérennes». Même si lundi François Hollande a promis que ce serait chose faite en 2017, maintenir la pression est de bonne politique patronale.

Il y a pourtant un sujet de récrimination récurrent du Medef que Gattaz a omis mardi : les 35 heures. A son sourire bonhomme, on comprend que l'assouplissement des règles du temps de travail auxquelles François Hollande a semblé lundi consentir a ouvert d'heureuses perspectives au patronat. «J'attends de voir», confie Pierre Gattaz «La loi Rebsamen à laquelle on croyait a accouché d'une souris. La loi Macron a été pasteurisée à l'Assemblée nationale. Le risque pour la France c'est que les bonnes intentions du Président soient à leur tour pasteurisées. J'espère que l'économique l'emportera sur les petites manœuvres.»

Avant de décerner un quelconque satisfecit à l'exécutif, Gattaz veut du concret. Un «calendrier». Mais aussi le «marketing» des mesures «y compris à l'international». «A l'étranger, le french bashing est alimenté par deux choses : les 35 heures et les 75% de surtaxation sur les hauts revenus», explique le PDG de Radiall. «On a beau leur dire que les 75%, c'est fini, ça tourne toujours. Du coup, beaucoup de gens qui aimeraient revenir n'osent pas. Si le gouvernement prend des mesures qui vont dans le bon sens, il faudra qu'il le fasse savoir haut et clair, y compris à l'international.» D'une telle publicité, le pouvoir socialiste pourrait bien, lui, ne pas se remettre.