Voilà les députés convoqués un vendredi pour examiner dans l’hémicycle une des principales réformes du quinquennat. Bizarre, comme c’est bizarre. Après beaucoup de supputations, le débat sur la révision de la Constitution – et son explosif article 2 sur la déchéance de nationalité – débutera finalement le 5 février, comme l’a programmé ce matin la conférence des présidents de l’Assemblée nationale.
Délai obligatoire
Le Palais-Bourbon est pourtant désert le vendredi, de nombreux députés rentrant dans leurs circonscriptions pour le week-end. Mais l'agenda parlementaire était quelque peu contraint. Impossible de commencer l'examen avant le 3 février en raison du délai obligatoire de six semaines entre la présentation en Conseil des ministres du projet de loi constitutionnel (le 23 décembre) et le débat parlementaire. Pas non plus de fenêtre de tir la veille, le jeudi 4, jour réservé à la discussion de propositions de loi du groupe Les Républicains. «Les textes de la niche portaient sur le hooliganisme et la légitime défense, et, vu le contexte, la droite ne voulait pas nous faire ce cadeau», explique un conseiller de l'exécutif.
Mais comment faire pour perdre le moins de temps (et de plumes) possible sur ce texte emblématique du virage sécuritaire de François Hollande après les attentats du 13 Novembre ? Aller vite a une autre vertu : mettre fin au psychodrame interne qui déchire la majorité depuis déjà quatre semaines. D’où la décision très inhabituelle de ne pas attendre le mardi pour entamer le débat à l’Assemblée.
Pomme de discorde
L’idée de l’exécutif consiste à emballer la discussion générale et le vote de l’article 1 sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence, qui fait consensus, dès le vendredi. Charge ensuite aux porte-flingues du gouvernement de communiquer tout le week-end sur cette avancée pour la protection des Français et de cette demi-victoire parlementaire pour l’exécutif. Car restera encore, au menu du lundi, la pomme de discorde absolue : la déchéance de la nationalité.
Selon les calculs de l'Elysée, le vote des députés pourrait avoir lieu «le mardi ou le mercredi». Et hop, une semaine de gagnée ! Conformément à la révision constitutionnelle de 2008, le projet de loi mettra ensuite quatre semaines à faire la navette parlementaire. Soit une arrivée au Sénat dans la semaine du 7 mars. Dans les rêves de l'exécutif, en cas de vote conforme de la Haute Assemblée, «on peut faire le congrès le lundi d'après», soit le 14 mars, projette un conseiller. Espoir déjà quelque peu douché par le président du Sénat, Gérard Larcher (LR) qui, lors de ses vœux la semaine dernière, a pronostiqué que «le texte ser[ait] différent» en sortant du Sénat, majoritairement à droite. «S'ils changent le texte pour bloquer, c'est mort, s'ils le changent pour l'améliorer, il faudra regarder», précise le même conseiller élyséen. Dans ce dernier cas, le texte repartirait à l'Assemblée pour un nouvel examen. Retour aux tractations, à droite comme à gauche.
Par ailleurs, le scénario d'une réforme au pas de charge ne tient pas compte du souhait de François Hollande d'inscrire également au menu du congrès une réforme du Conseil supérieur de la magistrature, lancée en 2013 mais bloquée au Sénat.
Reprenant la main sur le dossier parlementaire, vu les atermoiements socialistes et les enjeux à droite, François Hollande doit recevoir les présidents de l’Assemblée et du Sénat mercredi à l’Elysée. Vendredi, le chef de l’Etat continuera son offensive en recevant les présidents de groupes parlementaires. De quoi faire en personne les derniers pointages.