Faut-il trouver des circonstances atténuantes à Manuel Valls ? Voilà un Premier ministre qui profite d'une conférence-débat organisée par les amis du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) pour mettre en cause Jean-Louis Bianco, le président de l'Observatoire de la laïcité, en lui reprochant de «dénaturer la réalité de la laïcité». L'accusation est grave. Le Premier ministre reproche à Bianco d'avoir signé un texte, «Nous sommes unis», publié par Libération au lendemain des attentats du 13 Novembre, avec de multiples personnalités. Un texte qui réunissait toutes les confessions (dont un responsable du Crif), de nombreuses associations engagées dans la lutte contre le racisme, dont certaines participeraient selon les mots de Valls, à créer un climat «nauséabond», dans la société française. On pourrait hausser les épaules en se disant que ce genre de polémique n'intéresse que quelques professionnels de la laïcité et le petit camp retranché (et bien isolé) de cette vieille gauche ringarde que les vallsistes aiment caricaturer en «droit de l'hommiste». Mais sur quoi repose l'accusation de Manuel Valls ? En fait rien. Ou alors un vulgaire procès d'intention fait à l'encontre de certaines associations engagées notamment contre les discriminations faites aux musulmans. Manuel Valls a bien le droit de se tromper et de dire des bêtises. Il lui faudrait juste avoir le courage de le reconnaître et de s'en excuser. Mais cela n'arrivera pas. Car la laïcité est un sujet français dont on parle uniquement avec fureur et fracas. Comme d'autres personnalités de gauche, le Premier ministre défend une position intransigeante, notamment en matière de signes extérieurs religieux dans l'espace public. Il aurait, par exemple, bien défendu l'opportunité d'une loi interdisant le voile à l'université. C'est parfaitement respectable. Même si ce n'était pas la position de l'Observatoire de la laïcité, et celle défendue par Jean-Louis Bianco, estimant qu'un tel texte n'était «ni utile ni opportun». Depuis qu'il préside cette autorité indépendante, l'ancien secrétaire général de François Mitterrand à l'Elysée a d'ailleurs toujours revendiqué l'esprit et la lettre de la loi de 1905. Privilégiant le dialogue pour dégonfler des polémiques à répétition qui viennent saturer l'espace public. Il a la faiblesse de penser que la tolérance et la pédagogie sont des alliés de son combat. Valls est convaincu du contraire : c'est le durcissement de la loi qui finira par consolider le vivre ensemble. Il pense par injonction autoritaire au risque d'hystériser les débats. On peut hausser les épaules. Ou le regretter au nom d'un indispensable apaisement pour que cette laïcité ne devienne pas au bout du compte un objet de suspicion, de ressentiment et… de défiance pour une partie de nos compatriotes.
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