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Analyse

Déchéance de nationalité : qui sont ces députés de droite opposés à la constitutionnalisation ?

Déchéance de nationalité, la polémiquedossier
Certes minoritaires chez Les Républicains, ils critiquent cet article du projet de loi constitutionnel, inefficace et contraire à l'esprit du texte de 1958.
Patrick Devedjian et Nathalie Kosciusko-Morizet à l'Assemblée nationale, en octobre. (Photo Jacques Demarthon. AFP)
publié le 20 janvier 2016 à 13h21
(mis à jour le 20 janvier 2016 à 17h37)

S'il ne peut même plus compter sur la droite… Bien sûr, des consultations avec les présidents de groupe et chefs de partis que François Hollande doit enchaîner ce vendredi, son rendez-vous avec les responsables LR ne devrait pas être le plus tendu. De là à pouvoir miser sur l'ensemble des voix de l'opposition pour faire adopter sa révision constitutionnelle et son explosif article sur la déchéance de nationalité ? «Le Président considère que nous sommes acquis à sa cause, mais il a tort de penser que la totalité du groupe est avec lui», prévient le député LR Guy Geoffroy.

Certes, les opposants LR à la déchéance de nationalité – mesure ardemment réclamée par la droite – sont très largement minoritaires et «la position de principe du groupe est d'y être favorable». Le patron du groupe l'a encore rappelé mardi, tout en conditionnant prudemment ce soutien à la présentation de la loi d'application qui déclinera ce principe constitutionnel et en «attendant de voir le débat». «La cohésion est à droite et la confusion à gauche», se félicite Guillaume Larrivé, porte-parole de LR.

Pourtant, l'inscription de la mesure dans la Constitution ne fait pas l'unanimité chez Les Républicains. Les récalcitrants s'apprêtent même à «sortir» dans la presse, via une pétition signée par une quinzaine d'élus qui sera publiée ce jeudi. A croire Hervé Mariton, «le jeu est beaucoup plus ouvert au groupe LR à l'Assemblée qu'au sein du parti», dont le bureau politique (BP) avait approuvé la mesure, début janvier, à une écrasante majorité par 51 voix sur 58 : cinq membres s'y étaient opposés (Hervé Mariton, Patrick Devedjian, Nathalie Kosciusko-Morizet et les juppéistes Benoist Apparu et Edouard Philippe) et deux s'étaient abstenus. Un vote qui a d'ailleurs chiffonné des députés LR qui ne sont pas sur cette ligne. «Il n'est pas d'usage que le parti délibère avant le groupe», recadre l'un d'eux. «Le BP fait ce qu'il veut, moi, je n'ai pas le petit doigt sur la couture», avertit Philippe Gosselin. Lui compte «une bonne vingtaine» de réfractaires, en «nombre croissant», assure-t-il, sur un groupe LR comptant 191 membres et 7 apparentés à l'Assemblée nationale.

«On ne bricole pas un texte fondateur»

Parmi ce petit groupe, plusieurs siègent, comme Gosselin, à la commission des lois, celle chargée d'examiner le texte constitutionnel avant le débat dans l'hémicycle qui débutera le 5 février. C'est le cas de Patrick Devedjian, de Guy Geoffroy, de NKM ou de Jean-Frédéric Poisson, vice-président de la commission, tout comme Philippe Houillon. Très réservé, il est pourtant chargé par Christian Jacob de présider un atelier de réflexion pour le groupe sur la révision constitutionnelle. Il voit dans la déchéance de nationalité une mesure «bancale en droit et inefficace sur le plan de la lutte antiterroriste» : «C'est bien sûr compliqué d'être contre ce symbole, mais je ne peux pas cautionner une opération de com sur un tel sujet.» «Il n'y a aucune raison de réviser la Constitution, si ce n'est pour un effet d'affichage, abonde Guy Geoffroy. On ne bricole pas un texte fondateur.»

Certains gaullistes, pas forcément opposés à la déchéance sur le fond, rechignent ainsi à l'inscrire dans la Constitution. «Une loi simple, pourquoi pas, mais là, la portée est considérable», freine l'un d'eux. Bernard Debré, fils de Michel Debré, principal rédacteur du texte de 1958, peste : «Ridicule, grotesque ! Une absurdité ! La Constitution ne peut pas être un fourre-tout.» Il a déposé une proposition de loi (cosignée par 17 de ses collègues) pour intégrer à l'article 23-7 du code civil «la perte de nationalité» à tout Français condamné pour un crime terroriste, sans avoir à toucher à la Constitution.

«Pourquoi se ruer au secours du Président ?»

Mais d'autres ne critiquent pas seulement l'efficacité limitée de la mesure, ils sont aussi très gênés par le message envoyé aux binationaux. «Ainsi, les hommes ne naîtraient plus libres et égaux en droits. C'est la déclaration des droits de l'homme qui est battue en brèche, vous parlez d'un symbole !» s'insurge Patrick Devedjian. A l'UDI, le député Yves Jégo souligne, lui, son «attachement au droit du sol».

L'opposition irait-elle jusqu'à voter contre la réforme, qui constitutionnalise par ailleurs l'état d'urgence ? «Pas fanatique» de la déchéance, Jean Leonetti (LR) refuse d'en faire un «chiffon rouge» : «Je ne suis pas du genre à faire scandale et, dans mon parti, c'est quelque chose de majoritairement défendu», admet-il. Mais d'autres renâclent encore à servir à François Hollande une victoire constitutionnelle à moins d'un an de la présidentielle alors que sa majorité elle-même se déchire. «Pourquoi se ruer à son secours ? interroge Guy Geoffroy. Pourquoi faire triompher au Congrès un Président qui mène une si mauvaise politique ?»