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Histoire

Du remue-ménage chez les ministres et chez les «sages»

Les hypothèses et bruits de couloir vont bon train chez les socialistes, qui s’attendent à un remaniement, ministériel tumultueux, après la probable nomination de Laurent Fabius au Conseil constitutionnel.
publié le 20 janvier 2016 à 19h31

On voyait la déchéance de nationalité truster pendant encore un bail la première place au palmarès des sujets faisant turbuler le gouvernement et la majorité. Mais ces derniers jours, la prochaine brochette de nominations au Conseil constitutionnel - trois d’un coup, dont le président de la vénérable institution - est en passe de détrôner l’article 2 de la révision constitutionnelle en préparation. Un grand frissonnement politico-médiatique qui s’explique par plusieurs impératifs, ayant des conséquences très concrètes sur le calendrier des nominations et l’hypothétique remaniement que ces désignations pourraient entraîner.

Impétrant. Sur la forme, les nouveaux juges constitutionnels doivent être nommés dans le courant du mois de février. Les mandats du président, Jean-Louis Debré, et de Guy Canivet et Renaud Denoix de Saint Marc arrivent à échéance le 4 mars à minuit. La publication du nom de leurs successeurs doit intervenir au Journal officiel au plus tard le 25 février. Or, la révision constitutionnelle de 2008 impose que les candidats pressentis passent devant les commissions des lois des deux Chambres du Parlement. Ou plus exactement, le candidat désigné par le président de l'Assemblée est entendu à l'Assemblée, celui désigné par le président du Sénat au Sénat et l'impétrant choisi par le président de la République passe devant les deux commissions. Ce qui peut se faire très vite, en une journée. Mais les vacances parlementaires d'hiver étant prévues le vendredi 22, cela suppose que les noms des trois candidats soient connus au plus tard mi-février.

Pour nombre de socialistes, la fenêtre de tir la plus vraisemblable se situe donc juste après la première lecture de la révision constitutionnelle à l'Assemblée, soit après le 9 février, selon le calendrier rêvé de l'exécutif. Sur le fond, même si aucun des trois présidents n'a laissé filtrer ses intentions, on sait qu'ils sont tous d'accord avec Debré (et ses prédécesseurs) pour préserver l'équilibre entre juristes et politiques au sein du Conseil constitutionnel ainsi que pour respecter la parité. Jean-Louis Debré étant le seul politique à sortir cette fois, il n'y aura donc qu'une seule nomination politique. Les présidents des deux Chambres «s'orientent vers la désignation de personnalités du monde juridique», confirme une source parlementaire.

Tous les regards sont donc braqués sur le poste de président et le nom qui pourrait sortir du chapeau de François Hollande. Dans ses vœux au Conseil constitutionnel, en rendant hommage au président sortant, le chef de l'Etat a dressé un portrait du candidat idéal en creux très… creux. «Indépendance, impartialité, intelligence, telles sont les qualités avec lesquelles vous avez exercé votre fonction», a fait valoir François Hollande, prenant bien garde de ne donner aucune piste.

Sans information certifiée venant de l'Elysée ou du ministère des Affaires étrangères, le nom de Laurent Fabius circule cependant dans le microcosme, chacun assurant que «c'est topé», «c'est réglé», «c'est acté». Un dirigeant socialiste ayant rencontré le chef de la diplomatie ces derniers jours raconte ainsi l'avoir senti très pressé de solder les affaires courantes.

Mais, rappelle un vieux briscard socialiste, «la formule "c'est fait" n'existe pas dans la tête de Hollande tant que ça n'est pas fait».

D'autres noms de ministres circulent pour entrer rue de Montpensier : en particulier ceux de Christiane Taubira et Michel Sapin, même si ce dernier a rétropédalé, assurant que cette question se poserait éventuellement lors d'un «deuxième quinquennat de François Hollande». Le fait qu'il n'y ait qu'un siège politique à pourvoir a conduit beaucoup de candidats putatifs, à l'Assemblée ou au Sénat, à remballer leur campagne d'autopromotion. Et puis Fabius, «ce serait une nomination incontestable, une forme de logique, le choix d'un homme d'Etat», estime un pilier de l'Assemblée. A l'heure où la gauche s'étripe sur la future déchéance de nationalité, le fait que le ministre des Affaires étrangères soit resté silencieux sur le sujet constitue, aux yeux de beaucoup, un indice supplémentaire de sa nomination imminente. «Fabius est un homme d'expérience, estimable», confie un membre Les Républicains de la commission des lois de l'Assemblée qui promet de veiller, dans le package de nominations à venir, à «l'équilibre entre des propositions politiques même avisées et des propositions portant sur de grands dignitaires de l'Etat».

Package. Mais ce qui agite le plus le Landernau, c'est que si Laurent Fabius devait vraiment décrocher son bâton de maréchal constitutionnel, cela provoquerait un remaniement qui devrait donc intervenir mi-février. Car s'il faut remplacer le chef de la diplomatie, on sort du simple ajustement technique pour remplacer Sylvia Pinel (Logement) devenue première vice-présidente de région. L'avantage de remanier juste après le débat sur la révision constitutionnelle à l'Assemblée, c'est qu'en «faisant miroiter des postes de ministre, tout le monde se tient à carreau et vote la déchéance», persifle un dirigeant de la majorité. Mais en réalité, ce timing est loin d'être idéal pour l'exécutif, contraint d'abattre cette carte éminemment politique plus tôt que prévu. Pour le dernier remaniement avant la présidentielle, François Hollande aurait besoin d'ouvrir les portes du gouvernement au reste de la gauche. Avec laquelle, pour cause de déchéance de nationalité, la rupture est consommée.