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Libération

Au gouvernement, le silence de l’amer

Comment en parler sans en parler ? Les ministres utilisent des subterfuges pour contourner l’interdiction présidentielle.

Publié le 21/01/2016 à 20h11

François Hollande a fixé les règles du jeu en Conseil des ministres : sur la déchéance de nationalité, aucun solo, zéro couac, pas un mot de travers. «Le débat est légitime et vous avez le droit d'avoir des interrogations, mais je vous demande de la solidarité» à l'extérieur, a prévenu le Président après avoir surpris tout le monde en inscrivant cette mesure dans la révision constitutionnelle. Inhabituelle mais survenant au lendemain de la grosse bourde de Christiane Taubira à la radio algérienne, la mise en garde présidentielle a conduit une partie du gouvernement à se réfugier dans le silence médiatique, histoire de ne pas avoir à se contorsionner devant témoins.

«Si j'étais parlementaire, j'en parlerais. Mais je pense qu'un ministre doit rester à son rôle, calme et déterminé», s'est défendue Marylise Lebranchu face aux caméras. «Un ministre de la République n'est pas là pour donner son avis sur les propositions présidentielles», a abondé Emmanuel Macron, s'exerçant, une fois n'est pas coutume, au jeu collectif. Même sous couvert du off, les ministres opposés à la déchéance ont développé des stratégies d'évitement élaborées pour échapper au débat qui fracture la gauche. Comme ce proche de Hollande qui consacre l'intégralité d'un déjeuner de presse à l'actualité internationale et au «bilan social» du quinquennat, qui ne figurent pourtant ni l'une ni l'autre dans son portefeuille ministériel. «En préambule, si j'étais en situation, on est d'accord que je n'aurais pas pris cette décision», tergiverse une autre ministre pour qui le seul «aspect positif» de tout ce débat sur la déchéance, «c'est d'avoir évité le retour du débat sur la peine de mort».

Une de ses collègues a testé les limites de la langue de bois autour de la bûche de Noël, puis de la galette des rois : à ses enfants, cœur de cible électorale de Hollande, «je ne pouvais rien dire de convaincant ou de rassurant» sur la déchéance, qui «va à rebours de toutes les valeurs que je leur ai inculquées». Les blancs dans la conversation deviennent alors éloquents. «J'assume l'état d'urgence. J'assume les assignations. J'assume les perquisitions», fanfaronne un ministre. Et la déchéance ? demande le journaliste. Pas de réponse.