Mercredi, les présidents des deux assemblées ont affirmé que François Hollande avait l'intention de prolonger l'état d'urgence pour encore trois mois. Le même jour, la Ligue des droits de l'homme (LDH) a annoncé avoir déposé un recours pour suspendre ce régime, selon elle «hautement attentatoire aux libertés fondamentales».
Instauré le soir des attentats du 13 Novembre pour une durée maximale de douze jours, le Parlement a adopté une loi le prorogeant jusqu'à fin février. La LDH ne veut pas attendre jusque-là. Elle invoque un principe, reconnu par les juridictions européennes : la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier de rogner des droits et libertés individuelles. «Le sacrifice ponctuel de libertés doit répondre strictement à l'urgence du moment et être au service exclusif d'un prompt retour de l'Etat de droit», écrit l'avocat qui a rédigé le recours, Patrice Spinosi. Il s'est défendu jeudi matin sur France Inter de «vouloir affaiblir ou désarmer l'Etat», reconnaissant «la nécessité de lutter contre le terrorisme», dans un contexte où la menace ne s'est pas encore «évanouie».
Tout l'enjeu est précisément de définir cette menace. Pour la LDH, qui cite la loi de 1955 créant l'état d'urgence, il doit s'agir d'un «péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public». «Imminent», le terme est d'importance.
L'universitaire Serge Slama, président de la section de Nanterre de la LDH, rappelle que lors de la précédente instauration, pendant les émeutes de 2005, le Conseil d'Etat s'était déjà prononcé sur cette notion. La plus haute juridiction administrative avait alors reconnu une marge d'appréciation au président de la République, tout en insistant sur le risque de reproduction du trouble. «Les autorités ont-elles des informations sur un attentat en train d'être préparé ?» interroge Serge Slama. D'autant que l'efficacité des mesures prises décroît de jour en jour, souligne la LDH, s'appuyant sur le bilan de l'instance de contrôle de la commission des lois de l'Assemblée.