Sa garde à vue aura duré deux jours et deux nuits. Le préfet Alain Gardère, 59 ans, vient d'être mis en examen pour «prise illégale d'intérêts», «corruption passive», «recel d'abus de biens sociaux» et «détournement de fonds publics». Placé sous contrôle judiciaire, il a interdiction de se livrer à tout emploi public. Une sanction particulièrement lourde.
Jusqu'ici directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), chargé d'encadrer le secteur, il avait été suspendu de ses fonctions peu après son interpellation par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la «police des polices». Homme de réseaux, décrit comme clivant et autoritaire, Alain Gardère est soupçonné d'avoir rendu un grand nombre de «services» en échange de diverses contreparties. Un système «industriel», selon une source proche du dossier. Ancien commissaire, Gardère avait pris du galon sous la présidence Sarkozy. En mars 2011, il est nommé directeur adjoint du cabinet de Claude Guéant, place Beauvau. Quelques mois plus tard, il est propulsé comme préfet délégué à la sécurité à Marseille, poste qu'il quitte après le retour de la gauche au pouvoir.
Alain Gardère devient alors préfet délégué chargé des aéroports de Roissy et du Bourget. Un poste sensible, notamment en termes de renseignements et d’influence. Chargé de délivrer les habilitations d’accès en zone sécurisée et les agréments des agents de sûreté, Gardère est au contact direct des sociétés de sécurité privée qu’il devra plus tard contrôler. Est-ce là que le préfet commence à mordre la ligne ? C’est ce que semble indiquer le dossier. Le patron d’une société de sécurité et de services aux aéroports a ainsi passé plusieurs heures en garde à vue avant d’être relâché.
Mais la justice s'intéresse également aux activités plus récentes d'Alain Gardère. Au moins deux délégations territoriales du Cnaps, à Bordeaux et à Marseille, ont reçu la visite de l'IGPN. Surtout, le directeur de cabinet de Gardère au Cnaps, un ancien commandant de police, a lui aussi été mis en examen pour «atteinte à la liberté et à l'égalité d'accès aux marchés publics», «abus d'autorité» et «complicité de détournement de fonds publics».
Un réseau d'amitiés nouées au sein de la police, des services rendus en échange de contreparties, un incroyable sentiment d'impunité : le profil d'Alain Gardère rappelle celui d'une autre figure de la police, le syndicaliste Jo Masanet, mis en examen pour «trafic d'influence» dans l'affaire des fuites à la PJ de Paris, qui a coûté son poste à l'ancien patron du «36» Bernard Petit. C'est en marge de cette affaire que les magistrats sont tombés sur Gardère, des éléments impliquant le préfet ayant provoqué l'ouverture d'une enquête préliminaire en août 2015. Le mois suivant, une information judiciaire était ouverte pour «corruption» et «prise illégale d'intérêts». Les enquêtes ont depuis été jointes.