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Libération
Décryptage

En 2016, la SNCF veut remplir ses trains et ses poches

L'annonce de frais systématiques pour le remboursement ou l'annulation de billets de TGV révèle la préoccupation principale de la SNCF pour 2016 : faire la chasse aux places vides.
Un TGV Ouigo, le low cost grande vitesse de la SNCF. Bordeaux et Strasbourg seront desservis en 2017. (Photo JACQUES DEMARTHON. AFP)
publié le 24 janvier 2016 à 20h01

La SNCF espérait-elle que l'info passe sans trop faire de bruit ? «Je risque de vous décevoir, je n'ai pas de grandes annonces à faire», avait lancé Rachel Picard, directrice de SNCF Voyages, vendredi, devant quelques journalistes. L'une d'elles a pourtant retenu l'attention et a été largement reprise sur les réseaux : l'application systématique de frais en cas de remboursement ou d'échange de billets. A partir d'avril, il en coûtera 5 euros pour toute modification sur les billets de la gamme «loisir», et 15 euros à la veille du départ. Pour les possesseurs de cartes, les échanges et annulations seront gratuits jusqu'à la veille, puis facturés 5 euros.

«La concurrence le fait déjà, et c'est plus cher», avait alors justifié Rachel Picard. Soixante-dix euros de frais chez Air France ou chez Easyjet, 17,50 euros chez l'allemand Deutsche Bahn, ou Thalys qui ponctionne 50 % du prix sur les remboursements.

Face au mauvais buzz, la SNCF s'est fendue d'un communiqué samedi soir, dans lequel elle justifiait de nouveau le durcissement des conditions d'échange et d'annulation. «Chaque vendredi, plus de 5 000 places sont remises à disposition au dernier moment [en raison d'une annulation de dernière minute, ndlr]. Chaque vendredi, ce sont donc 5 000 personnes qui ne peuvent pas voyager car le moment où ces places sont rendues est trop tardif pour leur permettre de voyager en TGV.» Au total, 17 % des billets vendus sont échangés ou annulés.

La précision illustre surtout la priorité de la compagnie ferroviaire pour 2016 : faire la chasse aux places vides. «Nous allons nous focaliser sur le taux d'occupation des TGV», a déclaré la responsable de SNCF Voyages, vendredi. Il est actuellement de 65 %, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre. Forcer les clients à annuler leurs billets plus tôt - ou pas - fait partie du wagon de mesures. Mieux remplir ses trains est désormais une obligation pour la SNCF si elle veut tenir sa promesse : faire baisser les prix.

Rachel Picard a ainsi annoncé que le prix des billets «loisir» ne serait plus uniquement indexé sur le temps - le tarif augmente quand la date de départ approche -, mais aussi sur ce fameux taux d'occupation. Les prix continueront à grimper les quinze derniers jours, «mais moins vite qu'avant», euphémise la responsable.

La compagnie s'appuiera également sur les Ouigo, remplis à 95 %. Après le Sud-Est, ces TGV à petits prix s'étendent aux gares franciliennes et vers l'Ouest et le Nord (Nantes, Rennes, Tourcoing…). Bordeaux et Strasbourg sont au programme de 2017. La SNCF maintient sa recette : des services rabotés, un personnel réduit, des trains qui roulent davantage avec plus de sièges dans les rames. Objectif : vendre six millions de voyages en 2016, contre 3,5 millions en 2015. Autre profession de foi : l'effort sur le service client. «Le wi-fi gratuit avant la fin de l'année» est annoncé sur le Paris-Lyon, ligne «laboratoire de l'amélioration du service client». Un personnel sera en permanence à bord pour nettoyer les toilettes durant le voyage.

La SNCF mise aussi sur les portiques antifraudes. Testés à Paris et à Marseille, ils devraient être étendus à l'ensemble des gares TGV. Le contrôleur, affranchi de la vérification des billets, pourra cajoler le passager, espère Rachel Picard. Car la SNCF conservera l'historique des voyages du client dès lors que celui-ci aura donné son nom. La responsable imagine le chef de bord avec son iPad et, sur l'écran, le profil et l'emplacement de chaque passager : «S'il y a un retard sur une correspondance, il pourra avertir les personnes concernées. S'il voit que l'un d'eux a subi plusieurs retards dans le passé, il pourra peut-être lui offrir un café.» Un changement de métier. Reste à convaincre le personnel.