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Libération
Décryptage

Le rapport Badinter, première brique du nouveau code du travail

publié le 25 janvier 2016 à 19h41

Un rendez-vous clé avant la vague de réformes sociales à venir. Lundi matin, la mission présidée par Robert Badinter a remis son rapport et ses préconisations pour simplifier le droit du travail : 61 «principes constituant les fondements du droit du travail». Le rapport sera «le chapitre introductif» du nouveau Code, a indiqué Manuel Valls. Forte des principes énoncés par la mission Badinter, une commission de refondation du Code du travail va lui succéder : elle aura deux ans pour réécrire complètement l'ensemble du texte. Sauf dans un domaine, sur lequel le gouvernement veut agir vite : le temps de travail.

D’où vient le rapport ?

Commandé en novembre 2015 par le Premier ministre, il doit servir de guide à la réforme menée par la ministre, Myriam El Khomri. Attendu en mars en Conseil des ministres, le texte doit donner plus de place à l'accord collectif. Un scénario justement déjà dessiné par l'ex-garde des Sceaux socialiste dans un ouvrage (le Travail et la Loi) publié en juin 2015 avec le juriste Antoine Lyon-Caen, lui aussi membre de la commission. De quoi appuyer le gouvernement face à des syndicats plutôt réfractaires à toute «inversion de la hiérarchie des normes» au détriment de la loi.

Quoi de nouveau ?

La mission a travaillé à «droit constant», fondant «son analyse sur les dispositions actuelles du droit du travail» sans en proposer de nouvelles. Le texte ne fait que réaffirmer des principes généraux comme la garantie des «libertés et droits fondamentaux de la personne», le «respect de la dignité» ou de la vie privée dans le travail. A ce titre, doivent notamment être garantis «l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes» ou encore «la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses» - mais à condition que cela soit conciliable avec la liberté d'autrui et le «bon fonctionnement» de l'entreprise. A l'inverse, les «discriminations» et «l'emploi de mineurs de moins de 16 ans, sauf exceptions prévues par la loi», doivent être interdits. Figurent aussi en bonne place : le CDI, présenté comme «la norme», le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie, les congés payés annuels et le repos quotidien et hebdomadaire «donné le dimanche», «sauf dérogation», le salaire minimum ou encore la durée légale du travail «fixée par la loi».

Quels sont les points polémiques ?

Il n'y en a pas, se défend Badinter. Le rapport étant le fruit d'un «consensus» au sein de la mission, il collerait donc à «l'esprit républicain». Mais dans le contexte actuel, difficile d'échapper à certains débats. Notamment sur la durée légale du travail. A ce propos, le rapport réaffirme le rôle de la loi, qui «détermine les conditions dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent retenir une durée différente». Tout en ajoutant que tout dépassement donne «droit à une compensation». Reste à savoir laquelle.

Lundi, la ministre du Travail a redit sa volonté de conserver le seuil minimal de majoration des heures supplémentaires à 10 %. Mais elle a aussi expliqué travailler à «déverrouiller» les négociations sur ces majorations, en donnant plus de place à la négociation d'entreprise, et en limitant les contraintes définies par les branches. De quoi couper l'herbe sous les pieds du ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, et ses récentes velléités à l'égard des 35 heures. «Les heures supplémentaires doivent être majorées, c'est un principe», a tranché Valls sans donner de précisions sur le niveau des seuils.

Une source d'«ambiguïté», pour le syndicat FO, tandis que l'Unsa souligne d'autres impasses : les «notions aussi essentielles que la paternité, l'adoption et l'éducation des enfants», ainsi que «la représentativité patronale ou encore l'outil des règlements intérieurs d'entreprise».