Dans son livre, largement célébré comme un exercice de sincérité et d'authenticité, Nicolas Sarkozy tente d'expliquer pourquoi il a fini par se laisser convaincre de revenir en politique. Il a abordé ce point dimanche soir, dans un entretien accordé à l'émission Sept à Huit de TF1, jurant que son retour en 2014 n'avait rien d'une évidence. Tout comme son éventuelle candidature à la primaire de 2016.
Jusqu'à la publication, ce lundi, des confessions de l'ancien chef de l'Etat (la France pour la vie), il fallait se contenter du récit édifiant et assez invraisemblable de son prétendu «retrait» de la vie politique. Oui, il avait tourné la page. Il coulait des jours heureux auprès de son épouse et de leur petite fille. Demandé dans le monde entier pour des conférences généreusement rémunérées, il faisait défiler dans son bureau des gens passionnant : entrepreneurs, sportifs, intellectuels et artistes. La belle vie. C'est alors qu'en 2014, le devoir l'a appelé. La France allait si mal, son parti était si déchiré qu'il devrait se sacrifier pour éviter au pays d'avoir à choisir entre la guerre civile et Marine Le Pen.
«Sarko reviens»
La dernière version de cette épopée est légèrement différente. Revenir, oui ou non ? Ce que décrit Sarkozy dans son livre, c'est un poignant dilemme, une tempête sous son crâne. «Forcément en mon for intérieur je me suis posé la question : avais-je vraiment tourné ma page ? Je le disais je le pensais je voulais m'en convaincre», écrit-il. C'était sans compter sa passion de la France, plus forte que tout. Elle le consume de l'intérieur. La France ? «Elle est en moi», écrit-il en dernière page de son livre.
Ce qui fera craquer le retraité, ce sont ces «Sarko reviens», si chaleureux, si spontanés, lancés par des anonymes. Ce fut le cas, notamment, chaque fois qu'il se rendait à un concert de Carla Bruni. «Quand j'allais applaudir ma femme tout au long de ses concerts j'étais heureux pour elle, j'étais fier de ce que l'artiste réalisait […]. Mais la sincérité m'oblige à dire que je n'étais pas insensible à ce que son public me témoignait de sympathie chaleureuse. Comment rester indifférent à cette chaleur à cette amitié à cette fidélité. Comment dire à tous ces Français qu'ils ne pouvaient plus compter sur moi ?» écrit Sarkozy. «Cela me bouleversait», a-t-il renchéri dimanche sur TF1.
Artifice politicien
Comment rester indifférent ? La réponse est dans la question : «Je n'ai pas pu. Je n'ai pas voulu. Je suis donc revenu», conclut Sarkozy. Dans un méritoire effort de sincérité, il veut bien reconnaître qu'il n'attendait que cela. Plus question de laisser croire qu'il se serait sacrifié. Il admet volontiers qu'il a pu, «consciemment ou pas», contribuer à «entretenir la flamme». Mais il plaide non coupable. Car cette flamme est «au fond» de lui, indomptable : «Pour moi tout a commencé avec la France et tout finira avec elle.»
Sarkozy ne va pas jusqu'à reconnaître que cette histoire de retraite relevait assez largement de l'artifice politicien. On touche là aux limites de l'exercice de sincérité. Dès le lendemain de sa défaite, l'Association des amis de Nicolas Sarkozy, animée par Brice Hortefeux et Nadine Morano, s'est chargée d'entretenir la flamme. Moins d'un an après sa défaite, Sarkozy expliquait déjà à Valeurs actuelles qu'il ne pouvait exclure d'être «obligé d'y aller. Pas par envie. Par devoir. Uniquement parce qu'il s'agit de la France». Fin 2013, dans les confidences distillées à la presse, le conditionnel avait disparu.
Privilège
Il était donc tout à fait décidé début 2014, quand il est allé chercher, en marge des concerts de sa femme, les bravos de ses propres fans. En pleine campagne municipale, le tour de chant de Carla Bruni avait servi de support à une dizaine de mini-meetings où se chantait en chœur le refrain du «Sarko reviens». Partout les élus locaux et les cadres de l’UMP se disputaient le privilège d’assister à ces concerts.
Avec la publication de ce livre, on avait cru que Sarkozy devait lever toutes les ambiguïtés en s'affichant clairement candidat au retour à l'Elysée et donc à la primaire de la droite et du centre. Paradoxalement, il aura plutôt contribué à renforcer les incertitudes. Il a indiqué dimanche qu'une autre tempête pouvait se lever. Après les doutes sur sa retraite, voilà qu'il confesse une incertitude sur une troisième candidature à la présidentielle. «Le match de trop ?», il reconnaît se «poser cette question». Sur TF1, il a annoncé qu'il verrait dans quelques mois si sa candidature peut être «utile». Le renouvellement du paysage politique est, dit-il, «une question légitime». D'ailleurs, il se la pose «tous les jours».