L’esprit «transgressif» de ce gouvernement ne connaît décidément pas de limites. Après, entre autres, la baisse massive du coût du travail, la simplification des seuils, la facilitation des licenciements, l’allégement du code du travail ou encore le plafonnement des indemnités prud’homales, l’exécutif s’apprête à miner un peu plus - du moins sur le papier - la dernière grande réforme sociale de gauche : les 35 heures. Une réponse à une préoccupation majeure du monde patronal, dont les demandes tiennent désormais lieu de feuille de route à la majorité ? Même pas. Dans cette course au «toujours plus libéral», version concrète du «toujours plus transgressif», la logique veut que le prochain obstacle sur la route soit la durée légale du travail.
Officiellement, il ne s'agit que de «déverrouiller» les 35 heures, de se rapprocher de la «réalité de l'entreprise», en laissant agir les «acteurs de terrain». Des arguments maintes fois ressassés par la majorité précédente, et semblant découler du plus solide bon sens.
Et pourtant… Passons sur le bilan - aujourd’hui partagé par tous ou presque - du nombre d’emplois générés par cette réforme, soit quelque 300 000. Passons sur la mécanique inverse, surtout en période de stagnation économique, qui ne manquerait pas de provoquer des destructions d’emploi. Passons aussi sur cette prétendue demande des chefs d’entreprises, qui n’en est donc pas une, si ce n’est dans un réflexe pavlovien de représentant patronal.
Mais difficile, en revanche - ce serait même une insulte faite à nos dirigeants - de faire comme si les membres concernés de ce gouvernement ne connaissaient pas l’état de la législation actuelle. Comme si un chef d’entreprise ne pouvait pas déjà faire travailler ses salariés 48 heures par semaine. Ne pas fixer le contingent d’heures supplémentaires avec les syndicats au niveau de l’entreprise. Ne pas le dépasser sans autorisation de l’inspection du travail. Ne pas abaisser à 10 % la majoration des heures sup au lieu de 25 %, avec l’accord des représentants des salariés. Ne pas réduire à néant, enfin, cette majoration, en mettant en place une modulation du temps de travail sur l’année.
Non, il faut aller encore plus loin… Contourner les branches au besoin, et donner la possibilité de descendre cette majoration à 10 % - voire moins - avec une majorité relative de 30 % seulement des syndicats dans l’entreprise, quitte à compléter par un référendum des salariés. Bref, rajouter un trou dans une législation déjà passoire. Et tant pis si l’on a vanté les vertus du dialogue social. Et tant pis si l’on mettra en porte-à-faux salariés et syndicats. Le tout pour un résultat nul sur l’activité. Le gouvernement y croit ? Alors c’est qu’il n’agit plus par pragmatisme, quitte à picorer çà ou là des idées libérales, mais par conviction. Celle du camp d’en face.