Icône pour la gauche au sens large, Christiane Taubira apparaissait aussi de plus en plus comme un cache-sexe pour un gouvernement où, depuis la loi qu’elle a portée avec brio sur le mariage pour tous, la ministre de la Justice n’a quasiment pas gagné un arbitrage. Et vu sa place marginalisée, la police – a fortiori depuis les attentats – prenant chaque jour un peu plus le pas sur la justice. Femme de valeurs plus que de bilan, Christiane Taubira était une ministre à part. Populaire dans l’opinion de gauche, mais décalée au sein d’une équipe dirigée par un Manuel Valls qui n’est pas de sa gauche. Et qui n’a jamais cherché à faire la synthèse avec elle.
L’annonce ce mercredi de sa démission, présentée comme volontaire, a surpris par son timing. Elle vient néanmoins solder une situation bancale depuis longtemps. Et qui devenait même grotesque avec la séquence sur la déchéance de nationalité. Ses plus proches au sein du gouvernement Ayrault – Cécile Duflot, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti – n’avaient déjà pas compris qu’elle reste dans l’équipe Valls lorsque ce dernier est devenu Premier ministre en mars 2014.
Verbe haut
Bouc émissaire de la droite extrémisée autant que de l’extrême droite, Christiane Taubira a été la cible, place Vendôme, d’attaques inédites par leur violence et leur tonalité bien souvent raciste. Lyrique et combative, flamboyante même, elle avait régulièrement porté le fer, le verbe haut dans l’hémicycle comme sur Twitter, contre ses adversaires rances qui ont caricaturé quatre ans durant le supposé laxisme de sa politique pénale. Alors que d’un simple point de vue quantitatif, les prisons n’ont jamais été aussi pleines.
«Christiane Taubira partie, il n'y a donc plus de ministre de gauche au gouvernement», a taclé la députée Esther Benbassa, sénatrice Vert, en apprenant sa démission. Le constat est sévère mais pas faux. Aux postes régaliens (Bernard Cazeneuve, Jean-Yves Le Drian, Laurent Fabius, Michel Sapin et désormais Jean-Jacques Urvoas), François Hollande et Manuel Valls ne comptent désormais que des fidèles grognards, parfaitement en ligne avec l'action engagée et pas du genre à faire état publiquement de leur intime conviction si celle-ci contrevient à la parole officielle. Libre dans son expression comme aucune autre ministre, hormis Ségolène Royal, Christiane Taubira finissait par être une source de cacophonie dans une équipe où elle ne semblait plus en situation de peser. Son départ n'est pas incohérent, on se demande juste ce qui l'a poussée à rester si longtemps.