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Récit

Démission de Taubira : mais que s'est-il passé ?

La démission de Taubiradossier
Après des semaines de malaise autour de l'extension de la déchéance de nationalité, la garde des Sceaux a démissionné.
Christiane Taubira en juillet 2014. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 27 janvier 2016 à 14h45

Elle a pris tout le monde par surprise. A gauche, plus grand monde ne s'attendait à voir Christiane Taubira démissionner. Et à droite, les ténors de la droite et de l'extrême droite qui réclamaient à intervalles (très) réguliers son départ n'imaginaient plus avoir ce plaisir avant la fin du quinquennat. Même certains proches de l'ancienne garde des Sceaux pensaient qu'elle ne quitterait plus le gouvernement. Encore mardi soir, Cécile Duflot le confiait à Libération : «Je n'arrive pas à comprendre pourquoi elle reste, mais elle doit avoir ses raisons.» 

La semaine dernière, des ténors socialistes jugeaient pourtant «maline» la répartition des rôles entre Valls et Taubira : au premier, la défense de la révision constitutionnelle en personne, à la seconde la réforme pénale soit la loi antiterroriste annoncée fin décembre par le gouvernement. «Elle sera là, au banc, on a les avantages sans les inconvénients» expliquait un conseiller de l'exécutif. Mais pour ceux qui connaissaient la ministre, cela pouvait difficilement se passer bien. «Elle ne leur fera pas de cadeaux» souriait un député PS. Sans préciser si le courroux de l'ex-garde des Sceaux serait dirigé vers les bancs de la droite ou du gouvernement.

«Elle est sincère»

L'extension de la déchéance de nationalité a manifestement pesé lourd dans sa décision. Le sujet a déchiré la majorité, divisé le gouvernement et profondément troublé Taubira. La ministre s'était retrouvée en porte-à-faux en annonçant son abandon, juste avant que le président de la République confirme son inscription dans la Constitution. Pour une proche, elle ne pouvait alors que «faire ses cartons». Elle lui envoie un texto lui souhaitant bon courage, sans obtenir de réponse. Un épisode dont un ministre hollandais du premier cercle minimise la portée : «C'est Christiane, elle est sincère, elle ne fait rien avec malice. Elle a été touchée par la soirée du 13  novembre, elle a évolué sur le fond. Elle a des convictions mais elle est quand même solidaire malgré les soupapes qu'elle s'ouvre toute seule.»

Sauf que la déchéance ne passe visiblement pas. Devant les magistrats de Douai, Taubira la critiquait de nouveau le samedi 23 janvier à mots à peine couverts, selon le Canard Enchaîné : «Nous vivons un moment collectif extrêmement difficile, qui pourrait nous ébranler si nous ne sommes pas solides sur nos fondamentaux, et, si nous sommes prêts à perdre un peu de nous-mêmes, nous risquons d'être sérieusement ébranlés.»

Au moment où elle prononce ces mots, Christiane Taubira a déjà pris sa décision de quitter le gouvernement. L'entourage du président de la République explique que François Hollande et elle «ont cheminé ensemble pendant plusieurs semaines pour s'apercevoir samedi que ce n'était plus possible». «Elle ne se sentait plus à sa place» assure l'Elysée qui justifie ainsi la séparation : «Un gouvernement, c'est deux axes : la cohérence et l'élargissement. Là, on a choisi la cohérence dans la lutte contre le terrorisme.»

«Pour le dernier mot à l’éthique et au droit»

La décision reste secrète jusqu'à ce mercredi matin. Aux premières heures du jour, le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis reçoit un appel de François Hollande pour l'en informer. A Matignon, l'annonce tombe en pleine réunion de cabinet. Un grand silence l'accueille. A 9h15, Christiane Taubira tweete: «Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit».

Quelques heures plus tard, le conseil des ministres se déroule sans Christiane Taubira, désormais hors du gouvernement, et sans Jean-Jacques Urvoas, amené à lui succéder après une passation de pouvoir ce mercredi après-midi. «Le président de la République a exprimé à Christiane Taubira sa reconnaissance pour son action. Elle aura mené avec conviction, détermination et talent la réforme de la Justice et joué un rôle majeur dans l'adoption du mariage pour tous», a déclaré l'Elysée par communiqué.