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Taubira et le gouvernement Valls : désaccords en cinq actes

La démission de Taubiradossier
Celle qui vient de démissionner du ministère de la Justice a durant deux ans affiché sa singularité, tout en restant à son poste.
Christiane Taubira et Manuel Valls lors des questions au gouvernement le 12 janvier. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 27 janvier 2016 à 11h38

Bien sûr, elle a soutenu à plus d'une reprise le gouvernement Valls et ses décisions. Mais Christiane Taubira, qui a démissionné de son poste de ministre de la Justice ce mercredi, s'est surtout illustrée pour ses désaccords publics, en laissant plus d'un songeurs sur sa légitimité à rester dans l'exécutif. Les appels à la démission se sont particulièrement multipliés en décembre dernier, lorsque la garde des Sceaux a assuré que la question de la déchéance de nationalité était «un sujet qui va s'éteindre». Retour en cinq dissonances entre Christiane Taubira et le gouvernement.

Décembre 2015 : déchéance de nationalité

Lors d'une visite à Alger, Christina Taubira était l'invitée de la radio Chaîne 3. Abordant la question de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français reconnus coupables d'actes terroristes, elle assure que «c'est un sujet qui va s'éteindre. [...] C'est un sujet qui est dans la société et qui a fait débat, et c'est bien qu'il fasse débat. Pour ma part, je suis persuadée que c'est une décision qui ne peut avoir d'efficacité dans la lutte contre le terrorisme, parce qu'on voit à quel type de terroristes on est confrontés, des personnes qui se tuent elles-mêmes ou des personnes qui partent, brûlent leur passeport et le mettent en scène. En termes d'efficacité, ce n'est pas une mesure probante. Sur le plan symbolique effectivement c'est un sujet important. Mais je répète : c'est un sujet important qui concerne le droit du sol, des sujets de fond, mais que ce ne soit pas un prétexte pour atténuer la gravité des actes qui consistent à rejeter quelqu'un.»

Juin 2015 : justice des mineurs et 35 heures

Au micro de Jean-Jacques Bourdin, sur RMC et BFM TV, la ministre est interrogée sur la réforme de la justice des mineurs, promise par le Président mais toujours dans les cartons. «Si on ne fait pas ça, c'est un aveu d'impuissance et moi, je n'assumerai pas, glisse-t-elle. Le gouvernement s'était engagé à le faire au premier semestre 2015, je suis la première à déplorer que ce ne soit pas encore fait.»

Chez Bourdin encore, elle revient sur la question du temps de travail : «Moi je rêve d'un monde où on ne travaille pas le dimanche, où le samedi et le dimanche on ne travaille pas. Je rêve d'un monde où on peut travailler 32 heures [...] L'idéal, c'est que les gens puissent travailler 32 heures dans une semaine, pour avoir du temps pour pouvoir se consacrer aux autres dans des associations, pour avoir le temps d'aller au musée, pour avoir le temps quand c'est possible d'aller sur la plage, de déambuler, de marcher, de parler à ses voisins, d'aller en librairie, d'aller au théâtre.» Joli tacle au gouvernement qui remet sérieusement en cause les 35 heures et pousse au développement du travail le dimanche.

Mai 2015 : loi renseignement

Si Taubira était députée, aurait-elle manifesté contre la loi renseignement ? «Evidemment ! Evidemment !, répond-elle à Arlette Chabot sur Europe 1. C'est pour ça que je dis qu'il est bon que la société s'en empare, il est bon qu'elle interroge.» Que fait-elle alors dans un gouvernement qui porte un texte qu'elle juge potentiellement liberticide ? «Je suis garde des Sceaux, ma responsabilité c'est de préserver les libertés.»

Deux jours plus tard, sur France Culture, elle affirme qu'il est du ressort des membres du gouvernement «que nous garantissions aux citoyens la protection de leurs libertés [...] Nous permettons au citoyen quel qu'il soit, s'il pense qu'il est surveillé, il peut saisir le Conseil d'Etat. [...] C'est un vrai sujet sur la démocratie : qu'est-ce que la société est prête à accepter, jusqu'où elle est prête à aller.» Mais elle s'empresse de vanter les limites instaurées par la loi à l'activité des services de renseignement.

Avril 2015 : la droitisation de la gauche

Dans une interview à l'Obs, elle regrette que la gauche ait subi des «défaites sémantiques et culturelles terribles» depuis une dizaine d'années, au point d'«adopter les mots de la droite» sur l'économie et la sécurité.

Août 2014 : aux côtés des frondeurs

En pleine université d'été du PS à La Rochelle, Christiane Taubira surprend en débarquant au lancement du nouveau collectif des frondeurs«Je dis qu'aujourd'hui nous n'avons pas le choix, nous devons refaire place à la politique. La politique, c'est le courage de s'interroger sur la vie dans la cité. S'interroger sur les espaces que nous créons pour nous entendre, pour nous comprendre, pour nous disputer et nous rassembler, déclare-t-elle. Et je veux y prendre ma part, et ce matin j'y ai pris ma part. Et j'en assume les conséquences.»