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Interview

Razzy Hammadi : «Nous sommes mobilisés pour Moussa en lien permanent avec le Quai d'Orsay»

Le député PS de la circonscription Montreuil-Bagnolet (Seine-Saint-Denis) d'où est originaire le jeune homme, précise qu'il à l'intention de se rendre au Bangladesh pour lui rendre visite, accompagné de sa famille.

Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis, à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2013. (Photo Arnaud Guilaume. AFP)
Publié le 29/01/2016 à 16h36

L'humanitaire français Moussa Ibn Yacoub est incarcéré au Bangladesh depuis le 22 décembre. A Montreuil, sa ville d'origine, sa famille compte les jours et ses proches sont mobilisés pour trouver une issue. Entre le silence du Bangladesh et la polémique autour du président de Baraka City, l'ONG de Moussa, la situation n'est pas simple. Razzy Hammadi, député (PS) de Seine-Saint-Denis fait le point.

Moussa, l’humanitaire français incarcéré depuis plus d’un mois au Bangladesh est originaire de votre circonscription. Ça commence a faire long...

Depuis le 22 décembre dernier nous sommes mobilisés, auprès de la famille et en lien permanent avec  les services du quai d'Orsay et notre représentation sur place. Je salue, et j'y associe la famille de Moussa, le travail extraordinaire qu'ils réalisent et ce depuis le premier jour. Il y a quinze jours, sa libération prononcée par le tribunal a été remise en cause par le ministère public et il y a 48 heures, malgré la libération de son traducteur, sa remise en liberté en attendant le procès a elle aussi été rejetée. Ce fut une immense déception mais nous restons mobilisés et confiants.

Est-il vrai que vous comptez vous rendre sur place avec sa famille pour lui rendre visite ?

Il est désormais acté que nous allons préparer la visite de sa famille. Je souhaite en effet les accompagner et nous déciderons ensemble en fonction des conseils de nos diplomates.

Que faire pour obtenir sa libération ? Savez-vous pourquoi il est incarcéré ?

Il faut d’abord être sereins et vigilants, calmes et déterminés, éviter toute polémique inutile, toute pollution du travail de nos services, à qui la famille et moi même faisons entièrement confiance, et ne se concentrer que sur notre objectif. Il semble que la justice du Bangladesh lui reproche deux choses. La première est son nom d’emprunt, Moussa, qui n’est pas le prénom inscrit sur ses documents d’identité, et la seconde son activité humanitaire alors qu’il est entré avec un visa touristique.

On a le sentiment que la classe politique a du mal à se saisir de cette affaire et que depuis les polémiques autour du président de Baraka City, c’est encore pire. Pourquoi, mis à part vous et deux autres parlementaires, personne ne parle ?

Je regrette cette polémique liée aux propos et à l’attitude du président de cette organisation. Ils sont à l’opposé de ce qui, à Montreuil comme partout ailleurs en France, anime les soutiens, les amis et la famille de Moussa. Je fus moi même consterné devant ce triste spectacle. Solennellement, j’en appelle aux médias et aux différents acteurs afin de ne pas créer d’amalgame entre une organisation qui fait débat et le sort d’un de nos ressortissants qui depuis des années, que ce soit auprès des sans domicile fixe comme dans son propre quartier, n’a jamais eu de cesse de donner pour les autres.

Nous allons passer une nouvelle étape de la mobilisation avec la visite de sa famille mais aussi avec un appel plus large d’élus que nous transmettrons au président du parlement bangladais d’ici à la fin de la semaine prochaine. Dans ce type de dossier, quelques fois, les bonnes intentions peuvent être contre-productives. Notre volonté, avec tout le respect que l’on doit à la souveraineté du Bangladesh et à l’indépendance de sa justice, est de démontrer que cette affaire ne mérite pas un caractère extraordinaire et que son expulsion serait un point d’arrivée juste et proportionné.

Sur les réseaux sociaux, les jeunes accusent les politiques, estimant que le cas de Moussa ne les intéresse pas car il est noir et musulman. Vous comprenez ?

Non je ne comprends pas et je n'excuse pas ce type d'accusations stériles et insultantes pour tous ceux qui se démènent à ses côtés. La France est auprès de l'un de ses fils. La famille, comme moi-même, le constatons chaque jour. Vingt-quatre heures après son incarcération, notre consul était déjà à ses côtés et c'est quotidiennement que notre ambassadrice agit dans le cadre diplomatique. Comptez sur moi pour m'exprimer plus longuement dès qu'il sera revenu, je ne souhaite pas nourrir la polémique d'ici là.

Mais ces réactions témoignent une nouvelle fois de la fracture entre une partie de la jeunesse et ce qu'elles décrivent comme le «système». Comment renouer le dialogue avec une jeunesse qui lui tourne le dos ?

Le chantier est immense. Au delà des clivages et des sensibilités, nous en avons tous conscience. L’écho que trouve Baraka City doit interpeller les organisations d’éducation populaire classiques. Elles font certes un travail important mais nous devons faire en sorte qu’elles soient en première ligne, visibles, audibles, nous permettant de dire que l’idéal républicain et laïque a aussi ses jeunes militants généreux et motivés. La généralisation du service civique nous en donne l’occasion. Une loi en préparation – pour laquelle je suis entièrement engagé – le consacrera. La loi Egalité et citoyenneté, qui sera débattue au premier semestre au Parlement, doit redonner du sens et de la perspective à tout ce que nous avons engagé depuis 2012. Le dernier comité interministériel d’octobre 2015 pose les bases d’un nouveau contrat social avec la jeunesse. Nous devons le nourrir et le faire vivre. D’ailleurs, la construction de cette loi se fera avec les forces citoyennes et la jeunesse de notre nation. Les jeunes veulent être acteurs, entrepreneurs, autonomes, en un mot, émancipés. Dans le cadre du respect de nos institutions ils auront à contribuer directement à cette loi et aux différentes réformes (simplification, guichet commun…) et plans d’action qui en découleront.

Les polémiques autour de la déchéance de nationalité n’arrangent rien.

Non cela n'arrange rien. Bien au contraire. C’est un fait, il y a un écart immense entre les deux ou trois cas qui pourraient être concernés chaque année et le sentiment de malaise partagé par un grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens, que je comprends. Les Français sont amoureux de l’égalité. Prenons le ainsi, et c’est tant mieux. A partir du moment où la charge symbolique d’une distinction entre nationaux et binationaux ne se retrouve plus dans la Constitution, alors je crois qu’il faut aller de l’avant. Je tiens à rappeler par ailleurs que des progrès pour nos libertés sont d’ores et déjà actés. Pour l’illustrer, faut-il rappeler que la peine de déchéance ne serait plus décidée en conseil des ministres mais par un juge ?

Quelle est votre position à ce sujet, quel sera votre vote à l'Assemblée ?

Comme beaucoup d’autres, l’inégalité entre nationaux et binationaux inscrite dans la Constitution me posait difficulté. Le Président de la République et le Premier ministre l’ont entendu et ont donc proposé une voie de consensus qui, je le crois, doit être acceptée. Cependant je vais décrypter précisément les textes avant de prendre définitivement position. Dans ce débat, les postures ont souvent été des caricatures.