Il y a dix jours, Libération publiait le témoignage édifiant d'une enseignante des quartiers Nord de Marseille sur l'état de délabrement de son école primaire. Une école où, l'hiver, les élèves ont les lèvres bleues tant ils ont froid. Ce cri d'alarme a eu l'effet d'un électrochoc… non pas sur la mairie de Marseille, responsable de l'entretien des écoles de la ville et qui continue à s'en laver les mains, mais sur les enseignants de la cité phocéenne qui, d'un coup, se sont sentis autorisés à faire état de leur détresse et de leur impuissance. Depuis le 21 janvier, les témoignages affluent, ils dénoncent tous l'insalubrité des établissements de la ville, faute de moyens, et la honte ressentie face à des enfants traités comme quantité négligeable. Nos envoyées spéciales ont pu visiter cinq écoles de la ville. Et ce qu'elles racontent fait froid dans le dos : salle de sport dans la cave, tuiles qui tombent dans la cour, bâtiment en préfabriqué qui se voulait provisoire il y a quarante ans et aujourd'hui rongé par les moisissures, papier toilette inexistant… Le pire, c'est la résignation. Beaucoup baissent les bras après avoir essayé en vain d'alerter la municipalité et bidouillent dans leur coin, troquant crayons et gommes contre boulons et clés à molette. Mais la colère est là, rentrée, et elle risque de sortir un jour avec violence si aucun espoir n'est apporté… A l'heure où l'on répète l'urgence d'investir dans les générations futures et de redonner tout leur sens aux valeurs de la République, il y a là un chantier prioritaire à lancer si l'on ne veut pas achever de discréditer l'école publique et installer sans le dire un système à deux vitesses qui ne profitera qu'aux plus aisés. La responsabilité en incombe d'abord à la mairie de Marseille, mais aussi à un ministère de l'Education qui, après tout, se veut aussi «nationale».
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