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Libération
Éditorial

Primaire : tour de chauffe à gauche

ParLilian Alemagna
Journaliste au service France@lilianalemagna
Publié le 04/02/2016 à 20h02

Une chose est sûre, ça faisait bien longtemps qu'on n'avait pas vu une salle de gauche comme ça. Une petite estrade posée au milieu d'élus, d'intellectuels, de militants et de «simples citoyens» parce qu'on ne sait pas leur coller d'étiquette. Le tout façon agora grecque et non meeting politique classique pour tenter de casser - symboliquement - la frontière entre représentants et représentés. Mercredi soir, à la Bellevilloise, salle du XXe arrondissement de Paris, ceux qui réclament «une primaire des gauches et de l'écologie» pour désigner un candidat unique en 2017 ont réussi le lancement de leur opération dans la vraie vie. Du moins dans celle du militantisme parisien.

Certes, les participants étaient tous des déçus de la politique menée depuis 2012. «On dirait une réunion des alcooliques anonymes qui ont voté François Hollande», s'est amusée Cécile Duflot, déclenchant le rire de la salle. Certes, la grande majorité d'entre eux font déjà partie des cercles politiques : qu'ils soient adhérents ou qu'ils aient rendu leur carte, qu'ils soient membres d'une association ou d'un syndicat. Pour créer une «grande dynamique populaire», comme le veulent les initiateurs de «Notre Primaire», il va falloir aller au-delà des habitués aux tentatives de novation politique - Europe Ecologie en 2009, Front de gauche en 2012, Nouvelle Donne en 2013…

Il sera ainsi intéressant d'observer si l'affluence est aussi aux rendez-vous de Besançon, Tours, Lille, Lyon… Comme il serait bien de voir leurs organisateurs prévoir des sorties en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d'Oise ou des territoires où le taux de participation aux élections est en chute libre. On observera aussi la tournure des débats. Car s'il n'est pas exclu, a priori, que rien n'empêche le «Président» de «descendre dans l'arène», la quasi-totalité des participants ont une seule chose en tête : cet exercice est le seul moyen de faire émerger une «alternative» à François Hollande pour 2017.

Et c'est là qu'on réalise qu'il va être difficile de tenir longtemps ce grand écart : entre ceux qui disent vouloir organiser cette primaire pour éviter la multiplication des candidatures à gauche et un nouveau 21 avril en 2017, et les autres qui ne peuvent accepter que ce candidat unique soit à nouveau Hollande. Le bluff peut encore durer un ou deux mois. Le temps d'installer les débats. Le temps de discuter sur le fond et de remobiliser une partie de la gauche en état de déprime avancée. Le temps aussi que des candidats se déclarent officiellement et que la direction du PS arrête de se retrancher derrière le «non» de Mélenchon pour ne pas y aller. Le temps, en fait, qu'une clarification politique s'opère.