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Libération
Reportage

A Paris, le lycée Jean-Quarré accueille de nouveau des migrants (mais officiellement)

Anne Hidalgo a rendu visite ce vendredi matin à ce centre d'accueil provisoire qui a ouvert après trois mois de travaux.
Anne Hidalgo au lycée Jean Quarré, le 5 février. (Photo Martin Colombet. Hans Lucas pour Libération)
publié le 5 février 2016 à 15h36
(mis à jour le 5 février 2016 à 18h59)

De l'extérieur, le lycée Jean-Quarré, dans le XXe arrondissement de Paris, ne semble pas avoir changé. Les murs portent toujours les traces de son occupation par plusieurs centaines de migrants au cœur de l'été. «Solidarity», annonce un graffiti sur la façade. Dans la cage d'escalier, on voyage avec les pays d'origine des anciens habitants. «Maroc, Tchad, Soudan, Erythrée, Ouganda», lit-on. Reconverti en «maison des réfugiés» squattée et autogérée, le lycée et ses centaines d'occupants avaient fini par être évacués par les autorités le 23 octobre. En cause notamment : l'insalubrité des lieux et les tensions entre certains migrants.

Trois mois plus tard, le bâtiment vient de rouvrir ses portes. Désormais géré par Emmaüs Solidarité, il abrite déjà une centaine de personnes, pour la plupart demandeurs d'asile. C'est à elles qu'Anne Hidalgo, la maire de Paris, a rendu visite ce vendredi matin. Pour leur souhaiter la bienvenue et se féliciter de la création de ce centre d'accueil provisoire, qui doit à terme disposer de quelque 150 lits. «On s'était engagé cet été à effectuer des travaux, car le lycée n'était pas adapté pour accueillir du public. La promesse est tenue.» En 2019 toutefois, le centre fermera ses portes, pour laisser la place à une médiathèque dont la construction est prévue de longue date.

Bientôt des cours de français ?

A l’intérieur, des cloisons ont été dressées dans les salles de classe pour créer des chambres de trois places. Les réseaux d’eau et d’électricité ont été mis à niveau et les murs ont bénéficié d’un coup de peinture. Les toilettes doivent encore subir quelques menus travaux, mais l’ensemble est propre, accueillant. Il y a quelques mois, les habitants de Jean-Quarré s’entassaient dans des conditions plus que précaires. La cuisine de fortune et ses deux bouteilles de gaz ne pouvaient fournir à manger à tout le monde, les trois toilettes utilisables dégageaient une odeur pestilentielle.

Pour l'heure, les deux derniers étages ne sont pas encore ouverts. Ils devraient l'être d'ici la fin mars. Un niveau sera réservé aux femmes. Au rez-de-chaussée, une bibliothèque verra également le jour, où des cours de français seront dispensés. C'est d'ailleurs une des principales revendications des occupants. Dans le réfectoire, un Soudanais interpelle Anne Hidalgo : «On veut apprendre la langue», lance-t-il. Un autre réclame la pose de verrous dans les chambres. «Cela serait mis en place rapidement», les rassure-t-on.

«Aimez ce pays»

Les discours d'accueil sont réconfortants, mais se veulent aussi fermes. Les agressions sexuelles de Cologne sont passées par là, on le sent bien. «Aimez ce pays, respectez ses lois et je vous assure que la France vous le rendra», lance la maire de Paris. Un autre officiel : «Je compte sur vous pour trouver votre place, de manière sereine et tranquille, au milieu des habitants du quartier.» Quelques minutes plus tard, un jeune Darfouri tente de rassurer Anne Hidalgo. Passé par la «jungle» de Calais, il assure que là-bas, tout se «passait bien» entre les différentes communautés. «On jouait au foot ensemble», dit-il.

Les 105 occupants sont arrivés jeudi, à l'issue du démantèlement du campement de la Chapelle, situé aux abords de la Gare du Nord. La plupart souhaitent obtenir le statut de réfugié en France. Un mois d'hébergement leur est d'ores et déjà assuré à Jean-Quarré, le temps pour les travailleurs sociaux d'effectuer un diagnostic, et, éventuellement, de les orienter vers le dépôt d'une demande d'asile. D'autres connaissent des situations plus inattendues. Tel ce jeune Soudanais du Sud de 20 ans, «Tony», qui assure avoir déjà reçu la protection de l'Etat. «J'ai le papier qui dit que je suis réfugié, mais je n'ai pas de maison. C'est ça le problème.» Arrivé en France il y a cinq mois, il a vécu un temps dans un centre d'accueil de Nanterre (92), avant de devoir retourner à la rue. Son rêve : continuer à suivre des cours de français et travailler dans «la mécanique».