Ils auraient tort de s’en priver. Embarqués, ce vendredi, dans le débat sur la révision constitutionnelle, les élus de droite appuient là où ça fait mal à gauche, après six semaines de revirement et de petits arrangements successifs avec la politique, le droit et les conventions internationales. Peu importe qu’ils soient pour ou contre la déchéance de nationalité, les députés Les Républicains s’en donnent à cœur joie.
«Personne n'y comprend plus rien», attaque Philippe Houillon pour qui «la Constitution ne doit pas être un outil de communication». Le texte défendu dans l'hémicycle par Manuel Valls «a perdu toute cohérence», renchérit Charles de la Verpillière. «Totalement incompréhensible», complète Bernard Debré. Ceux qui sont favorables à la révision de la Constitution posent logiquement leurs conditions : pas question d'offrir une victoire facile à François Hollande, et autant faire durer le suspense jusqu'au bout. Eric Ciotti explique donc qu'il adorerait voter la révision de la Constitution de l'exécutif mais… que la formulation proposée pour la déchéance est une «incongruité juridique et une hypocrisie politique».
Sous-entendu, qu'il faut viser nommément les binationaux dans la Constitution, ce que la majorité a obtenu qu'on efface du texte. Un retour à la case départ pour l'exécutif donc. La quadrature du cercle parfaite. «Je souhaite voter cette réforme car elle exprime la force de la nation contre ceux qui veulent la combattre mais de grâce ne dénaturez pas la parole présidentielle», insiste avec gourmandise le député des Alpes-Maritimes. Bref, conclut Ciotti utilisant volontairement le flou du discours de Hollande devant le congrès le 16 novembre, «Versailles, tout Versailles et rien que Versailles».
«Des socialistes courageux»
Dernier orateur de droite avant d'entrer dans la discussion sur le fond, sarkozyste patenté, Guillaume Larrivé ne se prononce d'ailleurs pas clairement en faveur de la révision car un «travail rédactionnel reste à faire sur l'article 2». Ce qui promet un début de semaine mouvementé sur les bancs de l'Assemblée, avec des comptages de voix hasardeux jusqu'au vote solennel prévu mercredi après-midi.
Preuve que le débat politique sur la déchéance de nationalité déstabilise tous les camps, la séance parlementaire donne lieu à d'improbables rapprochements, les joies de la vraie-fausse union nationale. Eric Ciotti appelle donc à respecter «scrupuleusement la parole de François Hollande» après avoir été salué à la tribune par Valls. Proche de François Hollande, Bernard Roman livre un réquisitoire implacable contre la déchéance de nationalité. «Je sais bien que ce sont des sauvages, mais enlever la nationalité de naissance est une vraie rupture du droit du sol», plaide-t-il, félicité par la droite qui lance «il y a des socialistes courageux !»
Même inversion des rôles quand les députés LR applaudissent Cécile Duflot qui juge la révision de la Constitution «inutile et dangereuse». Les mots exacts employés quelques heures plus tard par Nathalie Kosciusko-Morizet. La députée de l'Essonne estime aujourd'hui qu'une «moitié du groupe» Les Républicains est désormais opposée à la déchéance de nationalité, alors que Nicolas Sarkozy y est favorable. Le tout sur fond de primaire présidentielle. Ce qui permet à Manuel Valls de conclure : «En termes d'habilité politique, j'ai cru comprendre que chacun avait ses échéances.»