Menu
Libération
EDITORIAL

Faible

Jérôme Cahuzac lors de sa seconde audition devant la commission d'enquête parlementaire, le 23 juillet 2013. (Photo Martin Bureau. AFP)
Publié le 05/02/2016 à 19h31

Plus tard, beaucoup plus tard, quand on refera l'histoire de ce quinquennat débuté sous le signe de la normalité et de l'exemplarité, l'affaire Cahuzac sautera sans doute aux yeux comme le moment où tout a basculé. Le péché originel en quelque sorte, même si, pour une fois, Dieu n'a rien à voir avec ça, et c'est tant mieux. Ce scandale avait de quoi couper les pattes d'une équipe tout entière. Le gouvernement Ayrault était en place depuis moins de huit mois quand il a éclaté et, mensonge après mensonge, l'affaire a englué une partie de la première année à l'Elysée de Hollande, lui qui se voulait aux antipodes d'un Sarkozy fasciné par le bling-bling et le pouvoir de l'argent. C'est là l'immense faute de Jérôme Cahuzac : ses dénégations ont décrédibilisé non seulement le collectif dont il faisait partie, mais aussi une classe politique qui n'en avait nul besoin. Comment croire encore la parole politique quand on revoit cet homme, alors ministre du Budget en guerre contre la fraude fiscale, nier dans l'hémicycle, la main sur le cœur, avoir jamais possédé le moindre compte en Suisse ? «Un homme est bien fort quand il s'avoue sa faiblesse», écrivait Balzac, qui aurait sans doute fait un chef-d'œuvre de cette tragédie mêlant femme, argent et pouvoir. Et il est bien faible quand il ne se l'avoue pas. François Hollande, reconnaissons-le, a vite compris la nécessité urgente de recrédibiliser la parole politique. De l'affaire Cahuzac est née la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, celle-là même qui, un an plus tard, a permis de découvrir que le secrétaire au Commerce extérieur, Thomas Thévenoud, n'avait pas payé ses impôts, entraînant son départ immédiat du gouvernement. Il y a donc bien une forme d'exemplarité de la gauche quand on pense à Patrick Balkany qui, malgré ses turpitudes fiscales, continue à garder le soutien de la droite et à siéger à l'Assemblée.