Un paquet neutre ! Mais quelle horreur ! A lui tout seul, ce triste énoncé devait immanquablement déchaîner la verve sarkozyste. Et ça n’a pas loupé. Neutre ? Le candidat Sarkozy ne supporte pas ce mot qu’il promet de bannir de son vocabulaire, tant sur le champ de bataille politique que dans les bureaux de tabac. Tant pis pour le tabagisme et ses 80 000 morts annuels.
Car jeudi soir, sur France 2, l'ancien président était précisément occupé à démontrer qu'il était, lui, tout le contraire d'un paquet neutre. Un homme de chair et de sang, sincère et authentique. Rien de commun avec ces responsables «momifiés» qui ne savent pas voir que le gouvernement du pays est «une affaire charnelle». Devant les téléspectateurs de Des paroles et des actes (ils étaient 2,7 millions, un peu moins que le score d'Alain Juppé pour la même émission), Sarkozy s'est presque excusé de sa formidable vigueur. Un mystère pour lui-même : «J'ai cette énergie en moi, je ne sais pas pourquoi ! Dans ma tête, j'ai 18 ans !» Ce trésor de vitalité, il explique humblement vouloir le mettre au service d'une cause qui le dépasse : «Une certaine idée» de la France.
Si Sarkozy est revenu, c'est pour défendre une identité, une civilisation et des frontières. Il est au chevet «de la France qu'on aime» et que l'on veut pouvoir «transmettre à ses enfants». Dans Des paroles et des actes, il a mis en garde : si les vrais «Républicains» ne reviennent pas au pouvoir, c'est tout «l'héritage de nos parents et grands-parents» qui risque de «disparaître».
Et voilà bien ce qui nous ramène à ce funeste paquet neutre, ce premier coup porté à l’héritage. Voté par le Parlement en décembre dans le cadre de la loi santé, il sera chez les buralistes en mai : à la place du chameau de Camel ou du disque rouge de Lucky Strike, des photos d’organes gravement endommagés.
Sarkozy tire le signal d'alarme. Si la République accepte ça, «dans six mois on vous proposera la bouteille de vin neutre», voire du «fromage neutre», et c'en sera fini de «nos appellations et de nos terroirs», a-t-il déclaré mercredi lors d'une réunion interne du parti LR. Découvrant cette amusante divagation, on a d'abord cru à un bon mot de tribune, forcément caricatural, pour distraire les militants. Mais non. Jeudi soir, sur France 2, Sarkozy a remis ça. Très sérieusement, en stigmatisant ce gouvernement socialiste qu'il accuse de vouloir «tout interdire». On voit mal, après un tel réquisitoire, comment le candidat à l'élection présidentielle pourrait s'abstenir d'inscrire à son programme l'abrogation du paquet neutre.
Ainsi va Sarkozy. Il venait à peine de se délivrer, dans la douleur, de sa promesse démagogique sur le mariage pour tous. Il replonge avec cette croisade baroque à laquelle il devra bien finir, tôt ou tard, par renoncer.