Menu
Libération
Défi

Déchéance : Fillon dit non à Sarkozy et Hollande

Déchéance de nationalité, la polémiquedossier
Lors de l'examen de la réforme de la Constitution à l'Assemblée, qui se poursuit ce lundi, les deputés LR vont devoir arbitrer entre Sarkozy et Fillon, qui en a remis une couche dans le «JDD».
François Fillon le 9 décembre 2015 à Olivet, dans le Loiret. (Photo GUILLAUME SOUVANT. AFP)
publié le 7 février 2016 à 19h48

Au terme d'un réquisitoire particulièrement sévère contre le «rafistolage» proposé par François Hollande, l'ancien Premier ministre François Fillon invite «les parlementaires» à dire non à la réforme constitutionnelle, en débat ce lundi à l'Assemblée avant un vote solennel attendu mercredi. Formulée dans une tribune publiée par le Journal du dimanche, cette prise de position n'est pas sans risque. Tous les sondages confirment en effet que la déchéance de nationalité des terroristes condamnés, un des objectifs du gouvernement, est souhaitée par les trois quarts des Français et par plus de 80% des électeurs de droite. Le 6 janvier, Nicolas Sarkozy avait fait approuver à la quasi-unanimité par le bureau politique de LR un soutien de principe à toute mesure permettant d'exclure de la communauté nationale les jihadistes binationaux. Principe confirmé par Brice Hortefeux ce dimanche sur BFM TV.

En appelant ouvertement à faire échouer cette réforme, Fillon lance donc un défi à l'ancien chef de l'Etat, son rival dans la primaire qui désignera en novembre 2016 le champion de la droite et du centre à l'élection présidentielle. Alain Juppé, l'actuel favori de cette élection, se tient prudemment à l'écart de ce débat.  Se disant favorable à une réforme constitutionnelle qu'il juge par ailleurs «à côté de la plaque», le maire de Bordeaux s'est enfermé le 6 janvier dans une position illisible.

Front du refus

Au-delà des controverses juridiques, la rivalité entre Sarkozy et Fillon sera donc mardi prochain au cœur de la réunion hebdomadaire des députés LR à l’Assemblée nationale. Combien seront-ils à rejoindre le front du refus ouvert fin janvier par Nathalie Kosciusko-Morizet et Patrick Devedjian ? Même s’il ne parvient pas à convaincre la majorité des 196 députés LR, Fillon aura atteint son objectif si son opposition, s’ajoutant à celle des opposants de gauche au projet présidentiel, ruine tout espoir de réunir au Congrès la majorité des trois cinquièmes, requise pour toute réforme constitutionnelle.

Depuis que le chef de l'Etat a lancé son projet, trois jours après les attentats du 13 novembre, l'ancien Premier ministre n'a jamais cessé d'exprimer son scepticisme. «La réforme de la Constitution ? Nous ne la réclamions pas et elle ne me paraît pas, a priori, nécessaire. Je ne vois pas en quoi la Constitution empêche aujourd'hui le gouvernement d'agir», expliquait-il dès le 19 novembre. Le 7 janvier, alors que le bureau politique de LR venait, en son absence, d'approuver le projet Hollande, il parlait dans le Point «d'écran de fumée» et de «réforme anecdotique». Mardi 2 février, Fillon a été copieusement applaudi quand il a déroulé, devant le groupe, son argumentaire contre la réforme. Encouragé par ce succès, il a décidé de l'afficher publiquement.

«Contorsions juridiques»

Il fait d'abord valoir que la valeur «symbolique» de la déchéance, mise en avant par le gouvernement, est d'ores et déjà ruinée, le débat ayant «tourné au ridicule» : «les «contorsions juridiques du gouvernement échappent au bon sens des Français», lesquels voient mal selon lui comment on pourrait «invoquer l'unité nationale» à propos d'un projet qui divise jusqu'au sommet de l'Etat. Se fondant sur l'avis de «nombreux juristes», Fillon soutient que «la Constitution n'a pas besoin d'être modifiée pour appliquer l'état d'urgence, ni pour déchoir les terroristes». L'initiative de Hollande relève donc à ses yeux de la pure «communication».

Pire encore, le candidat à la primaire affirme que la réforme proposée par Hollande est «un aveu de faiblesse», une marque de «fébrilité» qui «discrédite nos institutions». Il estime en outre que le spectacle offert donne sans doute aux jihadistes une bonne raison de triompher, eux qui cherchent précisément à «discréditer les institutions». «La solidité de la République se juge à sa capacité à se poser les vraies questions pour riposter aux défis», conclut Fillon dans une formule qui ira probablement droit au cœur des parlementaires LR exaspérés par l'interminable controverse qui leur est imposée.