C’est le procès d’une époque, – le début des années 2000 – quand l’envolée des indices boursiers incitait les banques à commercialiser des produits financiers promettant la Lune à leurs clients, mais sans les informer avec rigueur des risques inhérents à ces placements. Plusieurs procès ont été intentés ces dernières années, notamment à la Caisse d’épargne ou à la Banque postale, par des épargnants qui se sont sentis floués.
Essuyer des plâtres
Lundi, c'est au tour de la BNP de comparaître devant la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris, pour «pratique commerciale trompeuse». Un renvoi décidé par le parquet après une enquête préliminaire, nourrie notamment par un rapport de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), un service dépendant de la Répression des fraudes. Dans cette affaire, 12 clients de la BNP ont porté plainte en 2012 après avoir essuyé des plâtres en souscrivant un produit financier baptisé «BNP Garantie JET 3» qui leur promettait de faire «décoller» leur épargne. «Avec BNP Garantie JET 3, offrez-vous la possibilité de tripler votre capital en dix ans avec un maximum de sécurité, dans le cadre privilégié de l'assurance vie», vante la plaquette de commercialisation remise à l'époque aux clients. Elle énumère «cinq bonnes raisons» de souscrire le placement «JET 3», parmi lesquelles «la certitude de récupérer, à l'échéance des dix ans [leur] investissement».
Les mots «garantie», «maximum de sécurité», et «possibilité de tripler» la mise ont fait saliver beaucoup de monde. A partir de 2001, un peu plus de 11 000 personnes ont logé leur argent dans ce Fonds commun de placement (FPC) composé de 12 grandes valeurs boursières : 253 millions d’euros d’épargne seront collectés par ce biais. Mais avec la crise boursière des années 2008-2009 «JET 3» ne va pas du tout tenir ses promesses. Au contraire : au bout des fameux dix ans, les souscripteurs vont récupérer moins que ce qu’ils ont investi.
«Moi j'avais placé 7 623 euros en 2001. Mais à l'échéance, en 2011, la BNP ne m'a restitué que 6 645 euros. J'étais furax», raconte François Paccard, un des douze plaignants. Au lieu de faire la triplette, il a carrément perdu 978 euros pour «frais de gestion». Plus tard, la BNP fera un geste et lui remboursera 570 euros. Son argent provenait d'un petit héritage reçu au décès de sa grand-mère. «A l'époque, en 2001, un conseiller financier de mon agence m'a dit : "On a un placement formidable à vous proposer, vous pouvez tripler votre capital." Moi j'ai fait confiance à ma banque. On ne m'a jamais parlé de risques», raconte-t-il avec une pointe de colère dans la voix. Dix ans plus tard, le conseiller financier «avait évidemment changé» à son agence. «Son remplaçant m'a affirmé avec aplomb que dans mon contrat, rien n'était garanti, que tout cela reposait sur la Bourse. Bref, il fallait que je fasse contre mauvaise fortune bon cœur.» Face à la grogne des souscripteurs, la BNP finira par faire un «geste commercial». «En février 2013, nous avons procédé au remboursement des frais de gestion à nos clients», a indiqué à Libération la BNP, qui ne souhaite pas s'exprimer outre mesure sur «un dossier judiciaire en cours».
Dans la décision de renvoi, le procureur souligne que la brochure commerciale de la BNP contient une série «de mentions laissant clairement entendre au consommateur qu'il aura la certitude de récupérer à l'échéance des dix ans son investissement [même en cas de chute des valeurs boursières, ndlr] sans expliciter comment les frais de gestion» peuvent amputer son investissement. D'où la «pratique commerciale trompeuse» qui va être jugée lundi. A propos de l'audience, les avocats des plaignants, Charles Constantin-Vallet et Richard Valeanu, disent qu'«il ne s'agit évidemment pas du procès de la baisse des valeurs boursières, mais bien du procès de la BNP, qui a choisi une méthode de commercialisation trompeuse pour convaincre les consommateurs de placer leurs économies dans le produit d'épargne JET 3».
Doubler la mise
Avant la BNP, la Caisse d’épargne a été condamnée pour des motifs analogues pour son produit financier appelé «Doubl’O», souscrit par 263 000 clients et totalisant une collecte de 2,13 milliards d’euros. Il leur promettait de doubler la mise en six ans. Il n’en fut rien. Et là encore, les clients n’avaient pas été avertis du risque de voir leur investissement amputé des frais de gestion. En revanche, la Poste n’a pas été condamnée pour son placement Bénéfic, (300 000 épargnants ont essuyé des plâtres). La Cour de cassation a en effet jugé que les documents remis aux souscripteurs permettaient de comprendre qu’en cas de chute des valeurs boursières, leur capital ne serait pas garanti.