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Libération
EDITORIAL

Accablants

Publié le 10/02/2016 à 20h31

On sait depuis plusieurs mois que le rachat d'Uramin par Areva a donné lieu à des malversations, les médias y ont consacré nombre de gros titres. Libération en apporte aujourd'hui les preuves. Les documents que notre enquêteur a pu consulter sont accablants pour l'ancienne équipe dirigeante d'Areva et d'abord pour Anne Lauvergeon (1) qui présida le groupe nucléaire depuis sa création, en 2001, jusqu'à son départ, en 2011. C'est elle qui a recruté l'homme par qui le scandale est arrivé, le banquier belge Daniel Wouters ; c'est elle qui a fait pression sur son équipe pour qu'elle minore le fiasco ; c'est son mari, Olivier Fric, que l'on retrouve au cœur de l'affaire. Au mieux, elle s'est trompée, voire on l'a trompée ; au pire, elle a agi en connaissance de cause. Certes, Uramin a été acquis bien avant Fukushima, à une époque où le développement du nucléaire impliquait de sécuriser de grosses réserves d'uranium. Mais pas à ce prix, ni dans ces conditions ! Dans tous les cas de figure, Lauvergeon est responsable. Mais le dossier est aussi accablant pour l'Etat-actionnaire, représenté au conseil d'administration de ce groupe clé dans le tissu industriel français. Il ne pouvait pas ne pas savoir. Pendant toutes ces années, c'est vrai, l'Etat a mené une politique industrielle indigente, voire inexistante, et l'on en voit les conséquences sur des groupes comme Areva ou Alstom, voire même EDF. A Libération, nous avons suivi de près les dernières années du «règne» de Lauvergeon, nous avons raconté la folie qui avait fini par gagner les grands acteurs du secteur, elle comprise, dévorés par leur ego et prêts à tout pour garder leur poste, voire pour dégommer le concurrent. C'est cette folie générale que la justice va devoir expertiser et que les salariés du secteur paient aujourd'hui cash.

(1) Présidente du conseil de surveillance de Libération de 2011 à 2014.