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Libération
Rapport de la Cour des comptes

La Poste : la Cour des comptes s'en prend aux facteurs

Face à la baisse des volumes du courrier, la juridiction recommande à la Poste d'accélérer ses réformes et propose de revoir la définition de service universel postal.

(Photo Philippe Huguen. AFP)
Publié le 10/02/2016 à 18h39

Y a-t-il trop de facteurs en France ? Difficile de savoir exactement si c'est le message que tente de faire passer la Cour des comptes, dans son rapport annuel rendu ce mercredi. Ce qui est sûr, c'est qu'elle suggère des «adaptations profondes du fonctionnement, de l'organisation» de ce service public, s'il souhaite assurer «sa viabilité économique et donc sa pérennité». En clair, pour la Cour, le métier de facteur doit se transformer.

D'abord, un rappel : les 73 000 facteurs assurent quotidiennement la distribution du courrier dans 37,8 millions de boîtes aux lettres au cours de 56 000 tournées. Ensuite, un passage gratifiant sur l'importance de la Poste dans le tissu social français, «une profession riche en particularités et en traditions». Suivent les bémols : ces traditions «solidement ancrées» peuvent parfois «constituer des freins à son adaptation aux besoins nouveaux des clients». Et enfin, un argument qui assomme : «Le nombre de facteurs en activité a diminué d'environ 2% par an depuis 2011, quand le nombre de plis à distribuer baissait de 5%.» En bref, la Poste doit réagir, d'autant que la situation ne risque pas de s'améliorer : la chute des volumes de courrier «pourrait dépasser les prévisions de la Poste».

Facteurs «sous-occupés»

La Cour remet notamment en question la pratique du «parti-fini» : lorsque le facteur a fini sa tournée, il peut quitter son lieu de travail même avant l'heure théorique de fin de service, rappelle la Cour. Une forte autonomie qui gêne la Cour, car elle rend difficile «le contrôle du temps de travail effectif». Or, en raison notamment de la baisse du volume du courrier, certains facteurs sont «sous-occupés», d'où «un potentiel de productivité inexploité».

Elle estime aussi qu'il existe une marge de productivité à gagner en matière de tri du courrier. Ce tri a été largement automatisé, entraînant des gains «significatifs», avec une «diminution de 10% des effectifs de facteurs entre 2009 et 2011», se réjouit la Cour. La Poste peut faire mieux, insiste le rapport, ciblant le tri manuel effectué par les facteurs avant leur tournée. «Les machines acquises ont la capacité de trier significativement plus que les 50% du courrier actuellement constatés.»

Enfin – et surtout –, la Cour souhaite que s'ouvre un débat sur le service universel postal. Faut-il livrer le courrier le samedi ? «Une telle fréquence de distribution entraîne des coûts importants», dit le rapporteur, qui se demande si les consommateurs, notamment en zone urbaine, réclame une fréquence de livraison du courrier, six jours sur sept. Même questionnement concernant la livraison du courrier à J+1, un acheminement qui se fait «au prix d'investissements réguliers et de coûts fixes importants». La Cour remet en question la pertinence de ce délai, coincé entre l'immédiateté du courriel et «le succès» de la lettre verte (J+2). «Le relâchement de la contrainte sur la distribution en J+1 aiderait l'entreprise à minimiser ses coûts en adaptant son circuit industriel, par exemple avec un moindre recours à l'avion», écrit la Cour.

Regrouper les boîtes aux lettres

Enfin, le rapport pousse au regroupement des boîtes aux lettres, qui «rend la desserte moins onéreuse pour la Poste». Les boîtes aux lettres collectives représentent aujourd'hui 3,5% des points de distribution du courrier, contre 10% au Canada, pointe la Cour.

Ces recommandations, notamment concernant le service universel, seront-elles suivies d'effet ? Le ministère de l'Economie a répondu à la Cour des comptes : «Nous veillerons à ce que les pistes d'évolution du service universel postal que vous suggérez soient explorées.» A suivre.