Encore un effort, encore un vote et encore un (petit) suspens. L'Assemblée se prononce ce mercredi en fin d'après-midi sur l'ensemble de la révision constitutionnelle souhaitée par François Hollande, portant sur l'état d'urgence et la déchéance de nationalité. Après ce dernier vote au Palais Bourbon, le texte qui fracture la gauche comme la droite partira au Sénat. Le chemin de croix du gouvernement est donc loin d'être terminé. Après trois jours de débats mouvementés, Libération vous livre non pas le résultat du vote solennel - même s'il devrait se situer aux alentours de 300-310 voix pour - mais la nomenclature des parlementaires socialistes en différentes tribus constitutionnelles, sur la base de leurs différents votes depuis vendredi.
Les «pour-pour-pour»
Vrais loyalistes, convaincus sur le tard ou calculateurs, ce sont les socialistes qui ne posent aucun problème à François Hollande. Ils ont approuvé la constitutionnalisation de l'état d'urgence, la déchéance de nationalité et vont voter l'ensemble de la révision. Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis: «A partir du moment où la référence aux binationaux est tombée, je n'avais plus de raison de m'opposer à la déchéance.» Même analyse pour Edouardo Rihan-Cypel, qui est lui aussi binational. Alors qu'il avait débiné la déchéance qui n'était «pas une mesure de gauche», le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, émarge aussi dans cette catégorie.
Les «pour-contre-pour»
Mardi soir, le gouvernement a eu la désagréable surprise de voir 87 socialistes voter pour qu'on remplace la déchéance de nationalité par une «déchéance nationale» (perte des droits civiques, sociaux et familiaux) et 92 se prononcer contre la déchéance quelques heures plus tard. Dont trois présidents de commissions parlementaires (Catherine Lemorton, Patrick Bloche et Jean-Paul Chanteguet), une vice-présidente de l'Assemblée (Laurence Dumont) et huit anciens ministres (dont Cécile Duflot) de François Hollande. Pour autant, il n'y aura jamais 92 voix socialistes contre mercredi soir. «Il y a toujours un coup de menton et un moment où on vote», reconnaît un opposant. «Beaucoup de socialistes veulent pouvoir dire à leurs électeurs, aux militants qu'ils ont voté contre la déchéance en conscience mais qu'en responsabilité, ils voteront le projet de loi global pour ne pas affaiblir Hollande», veut croire un conseiller de l'Elysée. Pour un autre conseiller du gouvernement, la moitié de ces opposants s'abstiendra lors du vote solennel. Il y aura, prédit-il, une «adoption large, très probablement au-dessus des 60% », soit le Graal des trois cinquièmes des députés, une majorité confortable avant le Sénat.
Les «pour-contre-contre»
En mathématique pure, «plus» que multiplie «moins» égale «moins». En politique, ils seront quelques dizaines à s'appliquer la règle mercredi. Après avoir voté l'état d'urgence mais rejeté la déchéance de nationalité, ils s'opposeront à la révision. Comme l'ancien ministre de l'Ecologie Philippe Martin qui réfute toute qualification de frondeur. «Dans cette affaire, l'histoire personnelle, ses références politiques et historiques, jouent un grand rôle, explique-t-il. Mon vote est celui d'un militant légaliste et discipliné mais déboussolé par une mesure qui heurte ce qui a fondé mon engagement aux bonnes sources du mitterrandisme».
Les «pour-contre-je sais pas»
Depuis mardi soir, c'est la catégorie de députés qui fait l'objet de toutes les (petites) attentions des dirigeants de la majorité. SMS, coups de fil: la pression amicale est montée d'un cran pour «décrocher» un vote final positif de certains anti-déchéance. Yann Galut s'interroge encore, tout comme Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry. L'insistance de Manuel Valls à expliquer qu'un vote contre affaiblissait non pas lui mais François Hollande pourrait payer chez les indécis. Quid de l'influence du remaniement gouvernemental imminent sur l'attitude de certains, qui pourraient rentrer dans les rangs pour se laisser une chance? «De toute façon, ils ne vont pas nommer 287 ministres», s'amuse un député opposé à la déchéance mais réservant pour l'instant sa décision sur la révision.
Les «contre-contre-contre»
Huit députés PS ont voté à la fois contre l'article 1 sur la constitutionnalisation de l'état d'urgence et contre l'article 2 instaurant la déchéance. A moins d'être absents mercredi soir, Benoît Hamon, Fannélie Carrey-Conte, Barbara Romagnan ou encore Gérard Sebaoun voteront donc contre l'ensemble