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Analyse

Remaniement : changer pour que rien ne change

Le gouvernement Valls 3dossier
S’il a convaincu trois écologistes, dont Cosse, de le rejoindre, Hollande échoue à renouveler significativement l’exécutif, fragilisé sur son aile gauche.
François Hollande et Jean-Marc Ayrault. L’ancien Premier ministre avait quitté le gouvernement en mars 2014. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 11 février 2016 à 21h11

Aquoi peut bien servir un remaniement à un Président en aussi mauvaise posture ? A au moins deux choses : élargir une assise politique passablement étriquée après le débat sur la déchéance de nationalité et quatre années d'une politique devenue ouvertement sociale-libérale, et redonner à un gouvernement fatigué un autre visage. Si possible jeune, renouvelé et féminin. Il y a quelques mois, l'entourage du chef de l'Etat parlait encore de la nécessité d'un «gouvernement de combat», apte à livrer la bataille de 2017. A l'aune de ces objectifs, François Hollande n'a réussi que très partiellement son pari.

Milieu du gué

Côté pile, le chef de l'Etat a sauvé l'essentiel en réussissant à convaincre trois élus écologistes d'entrer au gouvernement. La seule vraie prise politique est l'ex-patronne d'EE-LV, Emmanuelle Cosse, contrainte de démissionner de son parti juste après sa nomination (lire page 4). L'intérêt, pour Hollande, est double. Il est évidemment tactique, car il vient fracturer un peu plus le camp des écologistes. Mais il est aussi politique : en décidant la tenue d'un référendum sur l'avenir de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le chef de l'Etat trouve enfin une porte de sortie à un dossier qui n'a cessé de pourrir la vie de ses gouvernements. Cette ouverture aux écologistes ne sera pas à même de dissuader Cécile Duflot de se présenter en 2017. Cependant, elle lui complique la vie.

Malgré tout, Hollande reste au milieu du gué. Aucune personnalité du flanc gauche de la majorité n'entre au gouvernement. Une aubryste sort (Marylise Lebranchu), remplacée par une autre (Hélène Geoffroy). Certes, la députée et maire de Vaulx-en-Velin (Rhône) s'est payé le luxe de ne pas voter la déchéance de nationalité, mais c'est bien maigre pour parler de rééquilibrage. Et donc inquiétant dans la perspective du rassemblement des gauches. Quelques heures avant l'annonce, un ministre ne se faisait aucune illusion : «Depuis les attentats de janvier et de novembre, on a basculé dans un recroquevillement. Le gouvernement s'est resserré autour de seulement trois personnes : Manuel Valls, Jean-Yves Le Drian et Bernard Cazeneuve.»

Retour en arrière

En ce sens, ce remaniement doit aussi être analysé comme le signe de l’immense difficulté de Hollande à ouvrir son espace politique. Avec, en guise de symbole, le retour de Jean-Marc Ayrault ou l’entrée (annoncée depuis des années) de Jean-Michel Baylet, le patron des radicaux de gauche. Comme s’il n’y avait pas d’autre avenir pour Hollande que le retour en arrière.

Pourtant réticent à nommer des personnalités de la société civile, Hollande a espéré convaincre Nicolas Hulot. Ce fut niet. Un ministre se désole à haute voix : «En se mettant autour d'une table pendant dix minutes, on peut trouver cinq idées de personnalités intéressantes et sexy.» La seule recrue «hors politique» est Audrey Azoulay, à la Culture (lire page 5). Autre signe que le chef de l'Etat n'a plus beaucoup d'air politique. Et que le risque d'asphyxie n'est pas loin.