Une maladie française. Pour François Fillon, la manie des remaniements pour convenances politiques est une calamité. Candidat à la primaire à droite, l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy défend le principe d'une stabilité gouvernementale pendant la mandature, à l'image de ce qui se passe dans la plupart des démocraties occidentales. Comme ses prédécesseurs, Sarkozy aura usé et abusé du remaniement : une demi-douzaine en cinq ans. En dehors de Fillon lui-même, aucun ministre n'a conservé son portefeuille de 2007 à 2012.
Vous voulez en finir avec les remaniements. Pourquoi ?
Nous sommes la seule démocratie occidentale à fonctionner ainsi. Partout ailleurs, les équipes gouvernementales sont beaucoup plus stables. Sauf exceptions, elles durent le temps d’un mandat législatif. Parfois même de plusieurs mandats. Voyez Wolfgang Schäuble, ministre des Finances de l’Allemagne depuis six ans après avoir été à l’Intérieur pendant cinq ans.
En quoi cette stabilité est-elle importante ?
Il en va de l’autorité du ministre. Pour être respecté, il faut avoir des compétences et il faut aussi pouvoir durer. Dès lors que chacun sait qu’ils ne font que passer, comment voulez-vous que les ministres soient respectés par leurs administrations et par les syndicats ? Il est bien naturel que ces derniers se méfient. Ce sont eux qui subissent les conséquences de ces changements incessants.
Vous en avez fait l’expérience ?
En 1993, Edouard Balladur m’a demandé de fusionner l’Enseignement supérieur et la Recherche. Il a fallu batailler dix-huit mois pour construire une organisation qui n’existait pas. Mais en 1995, la Recherche est retournée rue de Grenelle ! Au total, ce portefeuille a dû changer une quinzaine de fois de structure administrative.
Le remaniement n’a-t-il pas son utilité politique ?
Voyez celui-ci : il donnera peut-être un peu d’oxygène à François Hollande en générant, pendant quelques jours, un peu de docilité dans sa majorité.
Mais à quoi sert tout cela ? A gagner du temps pour ne pas faire face aux vrais problèmes. Entre révision constitutionnelle et remaniement, Hollande aura gagné trois mois pendant lesquels on aura moins parlé du chômage. A-t-on déjà oublié qu’on nous promettait des miracles sur la réforme du droit du travail, fin 2015 ?
En 2008, vous n’êtes pas favorable au remaniement après les municipales. Nicolas Sarkozy le fera. Beaucoup d’autres suivront. Avez-vous été entravé, en tant que Premier ministre, par cette instabilité ministérielle ?
Ce qui est certain, c’est que le meilleur gouvernement Fillon aura été le premier. Il était conforme à ce que je souhaitais : pas plus de 15 ministres et une parité parfaite. Un changement de ministre n’a de sens qu’en cas d’échec manifeste ou de grosses bêtises. Il n’y a aucune raison de remanier après chaque élection locale.
Que proposez-vous ?
Il faut donner au gouvernement une architecture pérenne. Le périmètre des ministères et les attributions des 15 ministres doivent être inscrits dans un texte législatif. Si des évolutions sont nécessaires, ce sera au Parlement d’en décider.
Mais je vais plus loin. Un candidat à l’élection présidentielle doit, selon moi, se présenter avec ses principaux ministres. Si l’on vote pour moi, je veux que l’on sache qui sera mon Premier ministre, mes ministres des Finances, de l’Economie, de l’Education… C’est le seul moyen de se préparer sérieusement et d’avoir une équipe opérationnelle dès le lendemain de l’élection.
Je connais trop cette improvisation permanente dans la composition des équipes gouvernementales. Spécialiste reconnu des questions de défenses, je me suis retrouvé en 1993 à l’Enseignement supérieur. En 2002, j’étais ministre de l’Economie le matin et des Affaires sociales le soir…