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Casseroles

Le fil des écoutes à la patte

L’affaire «Bismuth», dans laquelle Nicolas Sarkozy est mis en examen à plusieurs titres depuis 2014, pourrait bientôt lui être plus fatale que le dossier Bygmalion.

Nicolas Sarkozy, au conseil national de LR, le 14 février. (Photo Albert Facelly.)
Publié le 16/02/2016 à 21h21

Et de quatre. Entre l'affaire dite des «écoutes» et, désormais, Bygmalion, c'est la quatrième fois que Nicolas Sarkozy est formellement mis en examen. Juridiquement, c'est la première affaire qui risque d'être encore plus délicate que la seconde pour l'ancien président. Ne serait-ce que parce que le patron du parti Les Républicains (LR), en plus de la prison, risque l'inéligibilité pure et simple. Son renvoi en correctionnelle pourrait intervenir très rapidement.

Rappelons que, dans ce dossier de trafic d'influence présumé, Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir sollicité un haut magistrat de la Cour de cassation par l'intermédiaire de son avocat, Thierry Herzog, afin d'obtenir des informations confidentielles sur un dossier en cours. En échange, il avait promis d'intervenir en faveur du magistrat pour lui permettre d'obtenir un poste prestigieux à Monaco. Pendant plusieurs semaines, entre fin 2013 et début 2014, l'ancien chef de l'Etat et son avocat ont mis au point leur stratagème sur une ligne secrète, la fameuse ligne «Bismuth», pensant ainsi échapper à la vigilance des policiers. En vain. Les écoutes téléphoniques versées au dossier judiciaire sont accablantes pour les deux hommes, les infractions qui leur sont reprochées étant parfaitement caractérisées. «Ces faits sont constitutifs de trafic d'influence», avaient conclu sans ambiguïté les policiers de l'Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales (Oclciff) dans un rapport de synthèse dévoilé par Libé ration.

Torpiller. Depuis juillet 2014, Nicolas Sarkozy est mis en examen dans ce dossier pour «corruption active», «trafic d'influence» et «violation du secret professionnel». «Me mettre en garde à vue correspond à la volonté de m'humilier publiquement, s'était à l'époque insurgé Sarkozy. Je ne suis pas un trafiquant de drogue, mon casier judiciaire est vierge et on m'écoute pendant des mois, c'est scandaleux.» Au cours des mois suivants, revenu dans l'arène politique, il a tout fait pour torpiller la procédure, allant jusqu'à demander la récusation d'une des deux juges d'instruction, Claire Thépaut, en raison de son appartenance au Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche. Mais cette demande a été rejetée par la cour d'appel de Paris, tout comme la plupart des requêtes en nullité déposées par Me Herzog.

Ultime recours. Pendant longtemps, le camp Sarkozy a pourtant cru pouvoir faire annuler les écoutes entre l'ancien président et son avocat, les jugeant parfaitement illégales. Mais en mai 2015, l'essentiel de la procédure a reçu le feu vert de la cour d'appel de Paris. Reste désormais un ultime recours pour l'ancien chef de l'Etat : la Cour de cassation. Saisie en référé, la juridiction suprême doit rendre sa décision le 22 mars. Mais il est peu probable qu'elle tranche en faveur de Nicolas Sarkozy. Lors de l'examen du dossier par la chambre criminelle, fin janvier, l'avocat général a requis la validation de la quasi-totalité des écoutes, balayant l'argument soulevé par la défense sur la violation du secret professionnel entre un avocat et son client, avant de conclure : «La défense s'arrête là où commence l'infraction.»

Si ces écoutes sont finalement validées par la Cour de cassation, tout peut ensuite aller très vite. Les deux juges d’instruction ont en effet notifié début février la fin de leurs investigations. Et peuvent donc décider de renvoyer les différents protagonistes devant le tribunal correctionnel sitôt la décision de la Cour de cassation connue. Une hypothèse qui ouvrirait la perspective d'un procès de Nicolas Sarkozy avant la présidentielle de 2017.