La France a-t-elle un véritable problème avec ses 35 heures ? A en croire nos hommes politiques, très certainement. A entendre la droite, ce serait même la signature d'un mal hexagonal. La vitrine d'une France en déclin qui a décroché dans la compétition internationale. Plus surprenant, le gouvernement de Manuel Valls n'est pas loin de penser la même chose. Il faut, nous dit l'exécutif, donner plus de souplesse aux entreprises pour relancer la machine de l'emploi, toujours aussi grippée. Admettons cet enchaînement de cause à effet. Mais on a du mal à comprendre comment un allongement du temps de travail pourrait, à court terme, stimuler la création d'emplois. Quelle sera la réaction d'un chef d'entreprise ? Il va être incité à distribuer des heures supplémentaires (moins rémunérées) à ses salariés plutôt que de recruter un chômeur ou un jeune. Au minimum, on peut s'interroger sur le tempo d'une telle mesure, au moment où la France a un impérieux besoin de trouver du travail à ses 3,5 millions de chômeurs. Plus généralement, la réputation d'une France qui ne travaille pas assez repose-t-elle sur des statistiques crédibles ? Pas vraiment. Si l'on en croit les derniers chiffres d'Eurostat, les Allemands ont travaillé 1 584 heures en 2014, contre 1 531 heures pour les Français, soit un tout petit différentiel de 53 heures. Pas un seul économiste digne de ce nom oserait d'ailleurs affirmer que c'est cet écart de 3,4 % du temps de travail effectif qui est la cause de la différence de compétitivité entre nos deux économies. Un ministre confie, effondré : «Notre problème, ce n'est pas les 35 heures. Si politiquement on veut absolument briser des tabous de la gauche, il serait plus opportun de réfléchir au contrat de travail». Le projet de Myriam El Khomri a d'abord une visée politique : dire à la droite et au patronat que cette gauche n'a pas de totem. Quitte à se tromper de diagnostic. Et donc de solution. (Lire aussi pages 14-15)