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Libération

Les affaires du patron de LR ne font pas celles de Juppé et Le Maire

Les concurrents de Sarkozy se gardent bien de l’accabler : son absence à la primaire pourrait démobiliser à droite.
Alain Juppé, à l'inauguration de son QG de campagne à Paris, le 5 janvier. ACCORD INTERNET (Photo Albert Facelly pour «Libération»)
publié le 17 février 2016 à 20h11

No comment ! «Le mieux, ce serait d'en parler le moins possible», suggérait mercredi Bruno Le Maire devant ses amis parlementaires, réunis comme chaque semaine à l'Assemblée nationale. L'ancien ministre de l'Agriculture, candidat (non déclaré) à la primaire de la droite, a mis en garde ses partisans contre tout commentaire intempestif de la mise en examen de Nicolas Sarkozy.

Une primaire sans Sarkozy ? Loin d'être un soulagement, ce serait une très mauvaise nouvelle pour Le Maire, et plus encore pour Alain Juppé. Ces deux-là auraient tout intérêt à ce que l'ancien chef de l'Etat reste en compétition. «C'est la garantie d'une forte mobilisation. Si l'on veut plus de 3 millions d'électeurs, il faut un vrai match, il faut que ceux qui ne veulent plus de Sarkozy viennent voter. Car la popularité de Juppé repose en partie sur le rejet de Sarkozy», explique un cadre de LR.

Ni Alain Juppé, ni François Fillon, ni même Jean-François Copé ou Hervé Mariton ne se sont risqués à s'interroger publiquement sur les responsabilités dans la dérive des coûts de la campagne présidentielle de 2012. A neuf mois de la primaire, celui qui poserait ces questions gênantes apparaîtrait comme un traître et un diviseur de «la famille». Il prendrait surtout le risque de se couper définitivement du noyau dur de l'électorat LR, toujours fidèle à Nicolas Sarkozy.

«Amitiés»

C'est pourquoi chacun avait à cœur, mercredi, de souhaiter que l'ancien chef de l'Etat démontre son innocence. Nicolas Sarkozy coupable ? «Non. Je suis convaincu de cela et convaincu que l'instruction le montrera. Parce que, lorsqu'on est candidat, on n'est pas gestionnaire de son compte de campagne», assure le filloniste Jérôme Chartier.

Premier à réagir mardi soir, Alain Juppé a essuyé les plâtres, sur Twitter. «Comme tout citoyen, Nicolas Sarkozy a droit à la présomption d'innocence. Nous devons naturellement respecter ce droit», a-t-il d'abord écrit avant d'ajouter, se jugeant sans doute un peu trop sec, cet autre message, une heure plus tard : «Je souhaite pour nous tous que Nicolas Sarkozy fasse prévaloir son bon droit. Amitiés dans les moments difficiles.» Encore raté ! Dans ce deuxième tweet, beaucoup de lecteurs, sans doute pervertis par le cynisme ambiant, ont cru repérer une pointe d'ironie…

Manifestement peu sensible à cette marque d'amitié, l'avocat de Sarkozy, Me Thierry Herzog, a dégainé une petite vacherie mercredi matin au micro d'Europe 1 : «Je vais vous dire une chose plus importante encore : avoir été condamné n'empêche pas d'être candidat à la primaire.» Allusion à Juppé, condamné en 2004 après avoir assumé, pour Jacques Chirac, la responsabilité dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris.

«Hypocrite»

«Quand je ne dis rien, on me reproche de me réjouir en silence, quand je dis quelque chose, on me reproche d'être hypocrite», s'est agacé le maire de Bordeaux en marge d'un déplacement dans le Val-de-Marne. Sur LCI, son directeur de campagne, Gilles Boyer, s'est chargé de mettre les points sur les i : «Je souhaite que Nicolas Sarkozy soit rapidement blanchi dans cette affaire, de manière à ce qu'on puisse se consacrer au débat d'idées, à la confrontation des projets, des personnalités.»

Même Jean-François Copé a montré sa compassion sur Twitter. Feignant de s'étonner que «certains semblent prendre un vrai plaisir» à l'opposer à Nicolas Sarkozy, il livre cette touchante confidence : «Je pense à lui dans ce moment difficile et le verrai dès qu'il le souhaitera.» Venant de celui qui ne manque pas une occasion de se décrire comme un «bouc émissaire» injustement mis en cause dans «l'affaire des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy», cette sollicitude peut laisser sceptique.