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Libération

Les syndicats ne comptent pas leurs heurts contre le projet d’El Khomri

Publié le 18/02/2016 à 20h31

D'un côté, un patronat tout sourire face à un «projet de loi [qui] va dans le bon sens». De l'autre, des syndicats, crispés, évoquant une «réforme gravissime», «hallucinante», source de «régressions sans précédent», et réfléchissant déjà aux moyens d'action pour infléchir la réforme du code du travail de El Khomri. Certains n'écartant pas de mobiliser dans la rue.

Points noirs. Quelques heures après la publication de la dernière version du texte de la ministre du Travail, les réactions des partenaires sociaux sont plus que tranchées. «De manière générale, la philosophie de ce texte, écrit par des technos libéraux qui ne connaissent pas la vie des entreprises, n'est pas acceptable», peste Jean-Claude Mailly (FO), dont les services continuent à éplucher les 131 pages du projet, «car il y a sûrement des loups qu'on n'a pas encore vus».

Dans la ligne de mire : les nouvelles dispositions sur la durée du temps de travail qui vont «entraîner une baisse du pouvoir d'achat» , ou encore la mise en place d'un référendum visant à valider les accords d'entreprise lorsque les syndicats signataires n'atteindront pas la majorité. «C'est une volonté de court-circuiter les syndicats. Et en plus, cela va être la foire d'empoigne dans les entreprises», s'agace Mailly. «Surtout, cela bat en brèche le droit d'opposition des syndicats», abonde Fabrice Angei de la CGT.

«Inacceptable» aussi pour Franck Mikula de la CGC, le syndicat des cadres : «Cette réforme est déséquilibrée. Elle ne cherche qu'à sécuriser les entreprises.» Parmi les points noirs pointés par le syndicaliste : la barémisation des indemnités que les salariés peuvent, en cas de licenciement abusif, obtenir aux prud'hommes. «Cela retire tout pouvoir aux juges», précise-t-il. «De plus, avec un tel barème, les entreprises vont pouvoir provisionner les licenciements, puisqu'elles sauront par avance combien cela va leur coûter», abonde Joseph Thouvenel de la CFTC. Et d'ajouter : «Avec ce texte, le salarié devient la variable d'ajustement. De manière générale, on s'oriente vers une course au moins-disant social entre entreprises.» Jusqu'à mercredi, la liste des griefs, déjà longue, faisait plutôt consensus entre syndicats.

Viseur. Mais en ajoutant in extremis un article élargissant la définition du licenciement pour motif économique, la ministre du Travail a réussi à hérisser tous les syndicats, CFDT comprise, qui était pourtant «partante pour une réforme donnant plus de place à la négociation collective». Dans le viseur de la centrale réformiste : «La restriction du périmètre d'un licenciement économique aux seules entreprises françaises d'un groupe, qui va permettre à une compagnie européenne d'organiser sa baisse d'activité pour licencier en France», explique Véronique Descacq, numéro 2 de la CFDT. Un point sur lequel les syndicats indiquent ne jamais avoir été concertés. «C'est bien la preuve que depuis le début, le Medef a tenu la main du gouvernement», fustige Franck Mikula.