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Libération
Billet

Manuel Valls, plus d'ambition que d'espace

Martelant vouloir aller «jusqu'au bout» sur la loi El Khomri mais se défendant de jouer le «pousse-au-crime» auprès de François Hollande, le Premier ministre a peu de chance d'en avoir une dès 2017.

Manuel Valls, à Chalampé (Haut-Rhin), lundi. (Photo Sébastien Bozon. AFP)
Publié le 25/02/2016 à 16h20

Ses coups de boutoir sont notoires. Ses ambitions, l'objet de nombreuses spéculations. Premier ministre depuis deux ans, Manuel Valls a fait de sa loyauté revendiquée au chef de l'Etat un leitmotiv de son discours public. Pourtant, en réponse au réquisitoire de Martine Aubry dans la tribune qu'elle a cosignée dans le Monde – et qui vise certes François Hollande mais en premier lieu Manuel Valls, comme le chef de l'Etat l'a noté «off» depuis sa tournée en Amérique latine –, le chef du gouvernement a senti le vent du boulet. Pas question de passer pour un «pousse-au-crime», a-t-il dit au Monde, jugeant utile de faire savoir que François Hollande, son supérieur hiérarchique donc, était le premier responsable du contenu polémique du projet de loi El Khomri : «Le Président a décidé de ces arbitrages.» Je te tiens, tu me tiens… Mais Valls ayant multiplié plus que de raison les coups de menton sur la réforme du code du travail, à la sauce 49-3, un échec serait d'abord le sien. Et un succès, qui ne passera désormais que par un compromis, celui de François Hollande. Pas vraiment le tremplin fantasmé par certains de ses proches. Dans le Monde, Valls a jugé que «revenir en arrière serait non seulement dommageable pour le président et pour moi, mais aussi pour la France».

On lit ainsi beaucoup que le Premier ministre, s'il était empêché de réformer «jusqu'au bout», pourrait en profiter pour remettre sa démission au prétexte de ne pas disposer des moyens politiques de son ambition pour la France. Et qu'une telle posture suffirait, en l'état de l'opinion à l'égard de François Hollande, à lui ouvrir la porte pour 2017. Un scénario qui va un peu vite en besogne. A double titre. D'abord, quitter la tête du gouvernement en plein état d'urgence – alors que le Premier ministre martèle lui-même que le risque de nouveaux attentats sur notre territoire est permanent et très élevé – apparaîtrait comme une décision servant en premier lieu ses intérêts personnels. Pas très présidentiel en somme. Et même «irresponsable», pour reprendre l'un de ses mots.

De plus, hors de Matignon, Manuel Valls aurait-il seulement l’espace suffisant pour incarner une quelconque alternative crédible et légitime à François Hollande, a fortiori si le front du chômage devait quelque peu se dégager ? Qu’il s’agisse de la déchéance de nationalité, de la réforme du code du travail ou de façon moins aigue du pacte de responsabilité – autant de sujets qui ont braqué ou fracturé la majorité ayant porté François Hollande à l’Elysée en 2012 – en quoi Manuel Valls porterait-il des propositions plus rassembleuses ? Quand on appartient quoi qu’on en dise au camp des sortants, il est toujours aventureux pour ne pas dire suicidaire de se lancer à moins de dix-huit mois d’une présidentielle dans un processus de fracturation. Même quand c’est au nom de la «destruction créatrice». Et si François Hollande décidait de passer son tour en 2017 – pas vraiment l’hypothèse qui tient la corde à l’Elysée –, c’est par le débat, dans le cadre d’une primaire, que Manuel Valls pourrait trouver la légitimité nécessaire. On a du mal à y croire.