Et si l’on reconnaissait les compétences des migrants ? Pas seulement celles qu’ils avaient chez eux, leur formation, leur métier qu’ils racontent parfois au fil des reportages. Pas non plus l’invraisemblable courage et l’énergie qu’ils ont déployés pour arriver en Europe. Non, plutôt les compétences dont ils font montre au quotidien, en particulier à Calais. Pour se construire un abri d’abord : qui est devenu parfois une boulangerie, ou un bazar, ou encore un lieu de culte. Peu à peu, autour de ce qui finit par ressembler à des rues, une vie de communauté s’est créée.
Dans la «jungle», il y a maintenant plusieurs boulangeries et quelques restaurants. Notre correspondante, Haydée Sabéran, raconte que des Pakistanais en ont ouvert un qu’ils ont baptisé The Three Idiots, du nom d’un film à succès au Pakistan. C’est l’un des meilleurs, dit-elle, et l’humour du nom en plus…
Ce n’est pas le paradis, c’est sûr. Il y a le froid, la boue, la violence parfois. Il y a aussi la solidité et la ténacité de chacun qui détermine cette façon de retomber plus ou moins bien sur ses pieds. Mais les gens arrivent ici avec ce qu’ils savent faire. Les Soudanais sont efficaces dans le bâtiment, les Erythréens ont su accoler des petites boîtes de nuit à des restaurants. A chacun son talent.
Plus étonnante encore, la façon dont ces migrants ont conjugué leurs compétences avec celles que leur apportaient les nombreux bénévoles sur place. Comme avec des associés. Une forme de ville s’est fabriquée sur une nécessité. Une organisation sociale aussi.
La plupart des spécialistes des bidonvilles savent qu’il vaut mieux construire à partir de ce qui y pousse spontanément plutôt que de vouloir l’éliminer. Peut-on célébrer l’esprit d’initiative à longueur de discours et ne pas le reconnaître quand il est là ?