Emmanuel Macron montre patte blanche. Dans un entretien au Journal du dimanche, le ministre de l'Economie a choisi de relayer le tardif message d'apaisement du gouvernement sur le projet de loi El Khomri : « Le gouvernement est à l'écoute et ne considère pas que tout est intangible.» C'est là confirmer que, côté exécutif, les portes sont ouvertes pour aménager un texte qui menace de mettre le feu à la gauche, entre levée de bouclier syndicale, poussée de fièvre des socialistes et pétition à succès contre le projet de loi. C'est aussi apporter son soutien implicite au processus désormais enclenché.
Un ralliement qui, pour Macron, n'a pas été sans hésitations. Pour plusieurs parlementaires qui comptent parmi ses proches, la brutalité avec laquelle Manuel Valls a présenté la réforme du travail - laissant entendre que le gouvernement pourrait recourir au 49.3 en cas de rébellion de sa majorité - augurait mal de l'avenir. A n'en pas douter, ont-ils dit au ministre, le projet de loi El Khomri allait virer à la pétaudière politique. Mieux valait pour Macron rester à l'écart. «S'il veut "aller au bout", Valls n'a qu'à y aller tout seul !» vitupère un député PS, ulcéré du «bonapartisme» d'un Premier ministre qui a tenu Macron à bonne distance des opérations pour tenter de lui reprendre le leadership réformiste que le ministre de l'Economie lui dispute aux yeux de l'opinion. Quitte à intégrer in extremis au projet de loi, sans précaution ni pédagogie préalable, plusieurs dispositions à haut potentiel inflammable qui devaient à l'origine figurer dans le projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques (NOE) que préparait Macron, finalement enterré mi-janvier. C'est vrai de l'assouplissement des conditions de licenciements économiques comme du plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement, deux revendications fortes du Medef et de l'Afep, le lobby des grands groupes français.
Or, pour Macron, la méthode est essentielle si l'on veut aboutir. «On ne peut pas tout brutaliser, car ce serait prendre le risque de refermer les débats […] sans avoir réglé les problèmes , dit-il au JDD, citant en exemple le CPE . La France a malheureusement l'habitude de projets lancés sur des enjeux réels mais qui, mal emmanchés, finissent dans la crispation.» Une critique implicite de la façon de faire de Valls.
Néanmoins, Macron ne peut se démarquer sans se trahir. Du projet de loi, il partage l'esprit et les préconisations. Assouplir le code du travail est selon lui une nécessité pour l'emploi. «Notre système est inadapté : il a été conçu pour ceux qui travaillent en CDI dans un grand groupe, mais seulement 13 % des embauches se font en CDI» , justifie-t-il. Dans la droite ligne de Hollande, il se prononce en faveur d'un texte non pas amputé de ses dispositions polémiques mais enrichi sur des sujets comme le compte personnel d'activité ou la formation des chômeurs.