Il faut rapatrier le soldat CFDT. Après avoir réussi à unir tous les syndicats contre lui, le gouvernement tente, sur son projet de réforme du code du travail, de sortir les centrales réformistes du front du refus. Et notamment la principale d'entre elles. Les premiers signaux envoyés lundi par l'exécutif (lire ci-contre) collent ainsi, en grande partie, avec les demandes faites par le numéro 1 de la CFDT, Laurent Berger. Pour la centrale de Belleville, trois lignes rouges ont été franchies par le gouvernement. A charge pour l'exécutif de les retraverser dans l'autre sens pour obtenir son soutien.
1. La décision unilatérale de l’employeur
Si la future architecture du droit du travail, qui donne une large place à la négociation d’entreprise, convient à la CFDT, cette dernière refuse les nombreuses possibilités laissées à l’employeur de décider seul en cas d’échec de la négo. Comme l’augmentation jusqu’à 40 heures par semaine de la durée de travail des apprentis ou encore, dans les PME, l’instauration du forfait jours (1) ou la modulation du temps de travail sur 16 semaines.
La CFDT est sur ce point logique : pourquoi donner plus de place à la négociation si, en cas d'échec, le chef d'entreprise peut passer outre. Face à l'argument du gouvernement, qui avance que la plupart des PME sont dépourvues de délégués syndicaux pour négocier, le syndicat demande «la mise en place du mandatement syndical». Un dispositif que refuse la majorité des organisations patronales, qui y voient un moyen pour les syndicats de s'implanter dans les PME.
2. Le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif
Tout licenciement considéré comme dépourvu d'une cause réelle et sérieuse par les prud'hommes donne droit aujourd'hui à des dommages et intérêts dont le montant est proportionnel au préjudice subi. Demain, ces sommes seront plafonnées, variant seulement en fonction de l'ancienneté du salarié. De trois mois de salaire pour moins de deux ans d'ancienneté jusqu'à un maximum de quinze mois pour vingt années d'ancienneté et plus. Cette disposition «priverait les salariés licenciés abusivement de la juste réparation de leur préjudice», avance la CFDT, qui demande son retrait.
3. Le périmètre du licenciement économique
L'appréciation, par le juge, de la réalité du motif économique du licenciement se fait actuellement au niveau du groupe. Le projet de loi El Khomri propose de restreindre ce périmètre aux seules entreprises implantées sur le territoire français. Autrement dit, un groupe européen pourra, dans le secteur d'activité concerné, faire en sorte que sa ou ses filiales françaises se portent mal afin de les fermer plus facilement. «Ce qui revient à considérer les salariés français comme une variable d'ajustement de la compétitivité entre les entreprises européennes», s'insurge la CFDT.
Par ailleurs, le texte du projet de loi prévoit la possibilité de négocier au niveau de la branche les critères pouvant justifier un licenciement économique. Mais, faute d'accord, quatre trimestres de baisse des commandes ou un semestre de pertes suffiront. «Des critères trop bas pour inciter à la négociation, c'est inacceptable», considère le syndicat réformiste.
(1) Décompte du temps de travail en nombre de jours sur l’année, soit, pour l’équivalent des 35 heures, 218 jours par an.