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Libération

La réponse d’Anne Lauvergeon, ancienne dirigeante d’Areva

Par
Anne Lauvergeon
Publié le 29/02/2016 à 19h31

«Merci Libé ! J'ai travaillé pour la survie du journal à titre totalement bénévole pendant deux ans comme présidente de son conseil de surveillance. Ayant toujours scrupuleusement respecté l'indépendance de la rédaction, je n'ai jamais imaginé bénéficier d'une quelconque faveur ou indulgence. On aurait néanmoins pu penser que dans la mesure où il vous était facile de me trouver, le professionnalisme généralement reconnu des journalistes de Libération aurait conduit à un travail rigoureux de vérification des informations avant leur publication. Cela vous aurait évité d'écrire des contrevérités sur cinq pages pleines et d'avoir à faire face aux conséquences judiciaires.

1. Uramin n’est pas une coquille vide.

Votre journaliste a écrit : qu'Areva, "Anne Lauvergeon en tête […] ne s'est pas contentée d'acheter à prix d'or une coquille vide". Les trois mines propriété d'Uramin ont été acquises en 2007 sur la base d'une évaluation de 60 000 tonnes. En 2015, les ressources estimées des trois gisements ont été publiés par Areva d'une part et par la société Peninsula d'autre part, - celle-ci ayant fait l'acquisition du gisement situé en Afrique du Sud - : elles totalisent non pas 60 000 tonnes mais 87 000 tonnes de minerai d'uranium. Ces informations sont disponibles sur les sites internet d'Areva et de Peninsula.

2. La dépréciation des actifs miniers d’Uramin est une conséquence de l’accident de Fukushima.

Votre journaliste aurait pu constater aussi au terme d’un travail - limité - que trois grandes sociétés minières d’uranium dont la capitalisation boursière en 2007 s’élevait environ à 35 milliards de dollars ont vu leurs valeurs dépréciées de 77 à 99 %. C’est une conséquence douloureuse de l’accident de Fukushima qui a conduit à un ralentissement des programmes nucléaires de plusieurs pays et donc à une réduction majeure de la demande mondiale d’uranium et par suite de ses cours. Uramin n’est donc pas la seule entreprise minière d’uranium à avoir dû procéder à une dépréciation de ses actifs. Pour autant, l’uranium est toujours là !

3. Votre journaliste nous accuse d’avoir dissimulé des informations techniques à l’Etat, actionnaire d’Areva, à l’occasion de l’acquisition d’Uramin. C’est faux.

C’est d’ailleurs la conclusion de toutes les personnalités et comités qui ont été chargés de contrôler l’opération Uramin depuis l’année 2010. Cette assertion, non fondée, formulée pour la première fois en janvier 2012 (soit six mois après mon départ) a d’ailleurs été immédiatement démentie par le Groupe Areva (dépêche AFP du 25 janvier 2012). Les deux notes de synthèse datées du 16 mai 2007 ont accompagné l’ensemble des rapports, des documents techniques et modèles de valorisation qui ont été intégralement transmis à l’Agence des participations de l’Etat (APE). Qui peut croire que I’APE ait formé son avis positif au ministre sur la base d’un document de quelques feuillets ? C’est bien mal connaître le fonctionnement de l’agence chargée de veiller aux intérêts patrimoniaux de l’Etat. C’est également bien mal juger le sérieux et la vigilance des hauts fonctionnaires de cette agence en interaction constante avec tous les niveaux de l’entreprise.

Ces deux notes de couverture auraient été, selon votre journaliste, trouvées dans le bureau de mon mari en juin 2014 (soit sept ans après l’acquisition d’Uramin par Areva). En réalité, c’est la pièce de l’appartement familial où je range mes archives. A partir de 2012, des salariés d’Areva choqués par les méthodes employées pour m’attaquer, m’ont transmis les documents utilisés dans cette campagne de déstabilisation. Il n’est pas surprenant qu’ils soient dans mes archives deux ans plus tard.

4. Votre journaliste accuse Areva d’avoir arrêté des comptes infidèles.

Il se fonde sur le supposé compte-rendu d’une réunion qui s’est tenue le 29 octobre 2010 au siège d’Areva. Ce récit dont on ne se sait pas ce qu’il cherche à démontrer, apparaît de plus comme le montage d’extraits "réécrits", donc falsifiés. Il ne s’appuie d’ailleurs sur aucun élément de preuve publié par le journal. Je mets au défi quiconque d’apporter la preuve que ces propos aient été tenus tels qu’ils sont mis dans ma bouche.

Je m’étonne enfin que, bien que disposant des informations nécessaires, votre journaliste ait persisté

- à affirmer de façon péremptoire que, sous ma direction, Areva aurait refusé de déprécier les actifs d’Uramin. C’est évidemment faux. Au cours de l’année 2010 (deux bilans semestriels successifs), 426 millions d’euros de dépréciations ont été constatées et ce, sous le contrôle des auditeurs (CAC) et de René Ricol ;

- à ignorer qu'en revanche aucune dépréciation supplémentaire n'a été opérée à la clôture des comptes du 1er semestre 2011. Je rappelle que ces comptes semestriels ont été arrêtés le 27 juillet 2011, près d'un mois après mon départ du Groupe par le nouveau Directoire.

Le patron de la Branche Mines qui, selon vos dires, exigeait des dépréciations supplémentaires, était alors devenu membre du Directoire aux côtés de Luc Oursel et de Philippe Knoche.

Ces faits sont publics et connus depuis la publication des comptes d’Areva de l’année 2010 et du premier semestre 2011.»