Au lendemain du report annoncé de l'examen de la réforme du travail, les ministres sont montés au front pour défendre la décision de l'exécutif. Invités de France Inter et d'Europe 1 ce mardi, Jean-Marie Le Guen, Stéphane Le Foll et Barbara Pompili ont tout tenté de convaincre du bien-fondé de ce changement d'échéance.
Sévèrement tancé par Jean-Pierre Elkabbach, Le Foll a éprouvé les plus grandes peines à se faire entendre sur l'antenne d'Europe 1 : «Il y a des moments où il faut prendre la mesure de ce qui est demandé. Le report n'est pas pris pour un premier recul ; pour moi, il est pris sur la nécessité qu'on a de renouer un dialogue, une discussion, une concertation avec des organisations syndicales réformistes.»
Pour le ministre de l'Agriculture, il n'y aura – quelle que soit l'issue des discussions –pas de retrait du projet. Celui-ci «sera déposé, discuté, concerté» selon un «agenda parlementaire suffisamment serré et concentré pour ne pas le bouger».
(à partir de 9'10'' sur la vidéo)
Un besoin de dialogue qui fait écho aux propos de Barbara Pompili, interrogée plus tôt sur la même radio, et pour qui, «prendre le temps d'expliquer, prendre le temps d'écouter pour améliorer les choses, c'est une bonne méthode».
Evoquant «un texte brut de décoffrage» qu'il faut «améliorer», le secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, dit, lui aussi, croire aux vertus du «dialogue social». Il s'est surtout montré beaucoup plus frontal et véhément que ses homologues. Après avoir commencé par moquer les détracteurs du texte porté par Myriam El Khomri («Le texte n'était même pas connu que déjà un certain nombre de gens se précipitaient pour le dénoncer»), il a ensuite pointé du doigt – sans les nommer – l'attitude des «frondeurs» du Parti socialiste ou de Martine Aubry, récente auteure d'une tribune contre le gouvernement. «Il n'y a pas la moindre discussion, il n'y a pas la moindre orientation prise par le président de la République ou le Premier ministre qui ne soit systématiquement contrecarrée par un certain nombre de parlementaires, y compris appartenant à la gauche et même à mon propre parti. […] Il y a des tentatives maladroites d'imiter ce que fut le Baron noir mais, au-delà de tout cela, on est dans un combat politique [avec la] volonté de mener ce combat contre son camp, ce qui est évidemment très problématique pour la gauche.»
«Machine à broyer le texte»
La virulence de Le Guen envers son camp devrait apporter de l'eau au moulin de la droite et de Bruno Le Maire, qui dit avoir «peur que [le report de la présentation du projet] soit surtout le signal de la panique» qui anime le gouvernement.
Le candidat à la primaire Les républicains considère que ce changement de calendrier «montre surtout l'effondrement d'un système politique qui ne marche plus : on ne peut pas promettre une chose pendant la campagne et faire exactement le contraire quand on arrive au pouvoir». Accusant François Hollande de fléchir face à la pression populaire et au succès de la pétition «Loi travail : non, merci !», le député de l'Eure pose la question : «Que pèse une pétition de 800 000 personnes si vous avez été élu par des millions d'électeurs ?»
S'il dit ne pas comprendre l'attitude du président de la République, Bruno Le Maire confirme néanmoins son accord avec le fond du texte porté par la ministre du Travail : «Si le projet de loi El Khomri, avec une simplification du droit du travail, avec ce nouveau contrat de travail, arrive tel quel sur les bancs de l'Assemblée nationale [...], je le voterai.»
(à partir de 6'40'' sur la vidéo)
Parmi les nombreuses voix dénonçant la démarche du gouvernement, notons également l'intervention d'Eric Woerth, éphémère ministre de Travail entre mars et novembre 2010 : «Je vois très bien ce qui se passe ; [ce report] est une machine à broyer le texte de Madame El Khomri.»
S'interrogeant sur le rôle réellement joué par El Khomri dans l'élaboration de ce projet, l'actuel secrétaire général du parti Les républicains pointe du doigt «un texte qui navigue comme ça entre les partenaires sociaux, les uns et les autres, la gauche de la gauche, la gauche du centre, la gauche de droite» qui, selon lui, n'aboutira qu'à «un faux texte qui ne réformera rien du tout».
(à partir de 5'10'' sur la vidéo)