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Histoire

1er Mai : le Front national se défile

Florian Philippot a annoncé que la traditionnelle cérémonie du parti d’extrême droite serait remplacée par un banquet. Un épisode de plus dans la bataille entre Marine Le Pen et son père, qui avait perturbé l’édition 2015.

Publié le 04/03/2016 à 17h21

Marqué par une faible affluence, perturbé par la double irruption des Femen et de Jean-Marie Le Pen, le défilé du 1er mai 2015 en hommage à Jeanne d'Arc aura donc été le dernier pour le Front national. «Le 1er Mai continue, mais sous une nouvelle forme, a annoncé Florian Philippot, vice-président du parti d'extrême droite, vendredi matin sur France 2. Il y aura bien sûr un hommage à Jeanne d'Arc le matin, autour de Marine Le Pen, et un grand banquet patriote où plusieurs orateurs pourront prendre la parole. Et évidemment la conclusion sera faite par Marine.» Hommage et repas se substitueront à la traditionnelle marche des militants frontistes venus de toute la France, que concluait un grand meeting place de l'Opéra. «C'était très agréable et très sympathique, mais je pense que c'est bien aussi d'être capable de faire du neuf», a conclu Florian Philippot.

Collaboration. Le rituel remontait à 1979. A l'origine, c'est cependant le 8 mai que le FN honorait la Pucelle, s'inscrivant dans une ancienne tradition : «A la fin du XIXe siècle, il était question de créer une seconde fête nationale, car la droite faisait grise mine le 14 Juillet, explique Nicolas Lebourg, historien spécialiste des droites extrêmes. On pense donc au dimanche suivant, le 8 mai, jour de la libération d'Orléans par Jeanne d'Arc en 1429. L'extrême droite ne tardera pas à s'approprier la cérémonie», et notamment le mouvement royaliste Action française. A partir de 1945, le 8 mai est aussi consacré jour de la victoire contre l'occupant nazi ; pour les rescapés de la collaboration, l'hommage à Jeanne d'Arc prend alors des allures de contre-manifestation. Fondé en 1972, le Front national s'associe à la cérémonie sept ans plus tard. Jean-Marie Le Pen décidera en 1988 d'avancer le défilé d'une semaine, afin qu'il ait lieu entre les deux tours de l'élection présidentielle, mais aussi pour le faire coïncider avec la Fête du travail - et enfin pour s'épargner le voisinage de l'extrême droite la plus radicale.

Près de trente ans plus tard, l'actuelle direction du FN a donc décidé d'en finir avec le défilé. «Ça emmerde les militants, ça coûte cher, c'est compliqué à organiser, résume crûment un responsable frontiste. Il y a beaucoup d'inconvénients pour peu d'avantages, ce n'est satisfaisant en rien.» L'événement est par ailleurs facile à perturber : soit par des opposants tels que les Femen, soit par l'extrême droite radicale. En 1995, le jeune Brahim Bouarram était mort après avoir été poussé dans la Seine par un skinhead participant à la manifestation. En 2011, un document interne au FN avertissait les militants : «Marine Le Pen a prévenu que tout ce qui ressemble de près ou de loin à un "skinhead" sera exclu manu militari. Sont exclues toutes les tenues vestimentaires type treillis, rangers, etc. Seuls les drapeaux français et régionaux seront acceptés.»

Le «vieux» FN. Dernier motif avancé, la sécurité des participants. Dans le dernier numéro de sa revue Dar al-Islam, l'Etat islamique a en effet publié une photo du défilé frontiste du 1er mai 2013, assortie de ce commentaire : «Rassemblement d'idolâtres du FN. Des cibles de premier choix.»

Autant d'arguments qui habillent peut-être une raison plus fondamentale : la volonté de la direction frontiste de rompre avec le «vieux» FN, donc avec une manifestation jugée ringarde par certains cadres. Une orientation également manifestée par l'hypothèse, souvent évoquée, d'un changement de nom du FN, mais aussi par l'exclusion de Jean-Marie Le Pen en août. Celui-ci n'a d'ailleurs pas manqué de réagir à l'abandon du défilé du 1er Mai : «Moi, j'appellerai tous les gens qui n'ont pas peur de Daech, parce que c'est le prétexte qui est donné, à se retrouver devant la statue de Jeanne d'Arc le 1er Mai, place des Pyramides, a-t-il répliqué sur RTL. Je m'adresserai à ce moment-là à la foule des patriotes qui viendront, j'en suis sûr, répondre à mon appel.» De quoi, peut-être, parasiter une nouvelle fois le 1er Mai de sa fille.