C'est la petite concession faite par le gouvernement à l'issue de la mobilisation, mercredi, des opposants au projet de loi travail : taxer davantage les contrats courts afin d'en limiter l'utilisation par les employeurs. Car si 87 % des salariés en poste sont en CDI, les CDD et l'intérim représentent désormais plus de 90 % des embauches. Après avoir été évoquée dès mercredi soir par le secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, la piste a été confirmée par la ministre du Travail, Myriam El Khomri. Le sujet est «sur la table», a-t-elle dit jeudi matin, mais «dans le cadre de la discussion avec les partenaires sociaux sur la nouvelle convention assurance chômage» actuellement en cours. Bref, aux syndicats et au patronat d'en décider. La question se pose d'autant plus que ces contrats pèsent lourdement dans le déficit de l'assurance chômage. En 2011, selon la Cour des comptes, CDD et intérim ont ainsi coûté 7,5 milliards d'euros à l'Unédic, alors que les CDI rapportaient 12,5 milliards. Reste que cette mesure n'est pas nouvelle. Et n'a pas, jusqu'à maintenant, produit de résultats très probants.
Quelle évolution dans la taxation des contrats courts ?
Jusqu'en 2013, les cotisations patronales d'assurance chômage pour les CDD étaient majorées de 4 % par rapport aux CDI. A la suite d'une négociation des partenaires sociaux, ce taux a été rehaussé, à compter du 1er juillet 2013, de trois points (soit 7 % au total) pour les CDD de moins d'un mois, de 1,5 point pour les CDD entre un et trois mois, et de 0,5 point pour les «CDD d'usage» de moins de trois mois. Au second trimestre 2013, c'est-à-dire juste avant l'entrée en vigueur de ces majorations, le nombre d'embauches en CDD de moins d'un mois (les plus nombreux et les plus surtaxés), était de 3 687 000, selon l'Acoss (la banque de la Sécurité sociale). Deux ans et demi plus tard, leur nombre était de… 4 107 000. Soit une hausse de 11,3 %. C'est peu dire que cette surtaxation n'a pas vraiment produit les effets escomptés… Tout juste devait-elle rapporter quelque 200 millions d'euros à l'assurance chômage, utilisés pour financer une aide à l'embauche des jeunes en CDI.
Pourquoi la mesure a-t-elle échoué ?
Si la surtaxation est inversement proportionnelle à la durée des CDD, elle contient cependant des «trous dans la raquette». L'intérim n'a pas été touché, et les fameux «CDD d'usage» ont été quasiment épargnés. Or, ces contrats courts, non soumis aux contraintes des CDD de droit commun (renouvellement limité, prime de précarité, délai de carence),sont précisément responsables, en partie, de l'explosion des embauches en contrat précaire. Alors que les professions - en nombre limité - qui peuvent y recourir représentaient 12 % de l'emploi salarié en 2014, elles représentaient 55 % des embauches en CDD de moins d'un mois. Pourquoi ce contrat a-t-il été quasiment exclu de la surtaxation ? Sur pression de Laurence Parisot, présidente du Medef à l'époque et actionnaire de l'Ifop, institut de sondage friand des CDD d'usage ? «Je me souviens surtout des pressions exercées par la représentante de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), professionnelle dans l'hôtellerie, qui est aussi un secteur qui a largement recours à ces contrats», corrige un négociateur de 2013.
Quelles autres pistes ?
Face à cet échec, une piste serait de taxer les entreprises suivant le pourcentage de CDD ou d’intérim dans leurs effectifs, propose Stéphane Lardy (Force ouvrière). Avec un seuil, par exemple, à 20 %. Autre idée : faire décroître le taux de cotisation suivant la durée du contrat quel que soit son type. Des mesures dont devraient discuter syndicats et patronat dans les prochaines semaines.