Le virus Zika ? «Une grosse arnaque du lobby pharmaco-chimique.» L'expansion de l'Etat islamique ? «Révélations à venir sur l'implication du camp occidental.» Un homme équipé d'une bombe factice est abattu devant un commissariat parisien ? «Pour fêter l'anniversaire des attentats de Charlie, la police abat un clochard.» Ces «réflexions» ont été glanées sur la page Facebook d'Alain Soral. Connu pour sa proximité avec Dieudonné, l'essayiste a fait du complotisme antisémite son fonds de commerce. Au sens propre, puisque des livres aux «stages de survie», de nombreux produits dérivés lui assurent de confortables revenus. Agé de 57 ans, Soral est un poids lourd de l'Internet «dissident» : le site de son organisation «Egalité & Réconciliation» figure parmi les 700 plus fréquentés en France, devant plusieurs titres de presse. Sur Facebook, 68 000 personnes ont «aimé» sa page officielle. Sur YouTube, la vidéo «Soral analyse les attentats du 13 Novembre à Paris» a été visionnée près de 900 000 fois.
Tirade
Au fil des vidéos, l'homme diffuse une vision du monde paranoïaque : ensemble confus empruntant à différentes traditions d'extrême droite, structuré surtout par un ton péremptoire et un débit torrentiel. En 2010, dans une tirade caractéristique, il appelait ainsi à lutter «contre la religion satanique qui s'appelle la laïcité, qui est la maçonnerie, derrière laquelle il y a Satan. C'est clair, il suffit d'ouvrir les portes. [ …] Qui a le pouvoir en France ? Les ["bip"] et les francs-maçons, on le sait, c'est clair».
Lionel, 28 ans, s'est laissé séduire. «Au départ, j'ai détesté, raconte ce jeune homme, teint pâle et manières modestes. C'est au fur et à mesure des vidéos que j'ai commencé à comprendre sa pensée et à changer de regard.» Un ancien camarade décrit Lionel comme un garçon «intelligent» mais «rétif à l'ordre». Avide de comprendre le monde, le jeune homme n'a toutefois jamais voté. Son parcours scolaire correct mais agité a débouché sur un poste insatisfaisant d'informaticien. «Je regarde les JT comme la bande-annonce d'un film, explique-t-il. On essaie de te vendre une histoire : après, à toi de voir si tu accroches et si cela correspond au film. Cela peut servir à se faire un premier avis, mais si tu veux toute l'histoire, ce n'est pas la télé qu'il faut regarder». Dans le discours soralien, Lionel a trouvé une grille de lecture globale : «Prises individuellement, certaines démonstrations peuvent ne pas convaincre. Mais leur accumulation te fait comprendre le système.» Un «système» ayant le sionisme pour principal avatar : «Les gens qui appartiennent à la communauté juive veulent imposer la défense inconditionnelle d'Israël et, dans les faits, la France cautionne cet Etat d'apartheid raciste, colonial», insiste Lionel, qui se défend de tout antisémitisme et assure, à l'instar de son mentor, différencier «juifs du quotidien» et «réseaux de pouvoir».
Parti politique
Condamné à de nombreuses reprises pour injure raciale ou incitation à la haine, Soral s'est aussi brouillé avec beaucoup de figures de la «dissidence», cette petite communauté virtuelle autrefois soudée par son complotisme. L'homme reste toutefois solidement installé à la tête d'Egalité & Réconciliation, mouvement créé en 2007. Selon le site d'information Street Press, qui a consulté des documents internes, celui-ci compterait environ 4 500 membres. Annoncé fin 2014 par Soral et Dieudonné, un projet de parti politique («Réconciliation nationale») reste à cette heure lettre morte.