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Libération

Pop culture : la manne conspirationniste

Pour porter des charges politiques comme pour justifier tous les rebondissements, la fiction s’empare volontiers du complot.

Le film «Invasion Los Angeles», de John Carpenter, exploite le filon conspirationniste. (Photo Collection ChristopheL. Alive Films.)
Publié le 11/03/2016 à 19h11

Et si le monde était contrôlé par des extraterrestres se donnant une apparence humaine et que des lunettes de soleil étaient le seul moyen de découvrir l'effroyable vérité ? C'est le postulat du film Invasion Los Angeles, de John Carpenter, extraordinaire charge politique sortie en 1988. Portant ces lunettes trouvées par hasard, le héros, un simple ouvrier de chantier, dévoile la vérité cachée derrière le discours ultralibéral du reaganisme triomphant. Une pub pour un voyage aux Caraïbes intime en fait l'ordre de se marier et de se reproduire, «travaillez 8 heures par jour» se trouve partout sur les toits des immeubles et les médias ne sont que le paravent d'ordres comme «respectez l'autorité». Parmi ces messages, l'un d'eux, «obey» («obéissez»), a inspiré le street artist Shepard Fairey, qui en a fait un logo présent aujourd'hui sur de nombreux vêtements.

Réécrire l’histoire

Régulièrement plongés dans des univers technologiques et guerriers, de nombreux blockbusters du jeu vidéo échafaudent volontiers des scénarios délirants dans lesquels le joueur, simple soldat ou as de l'infiltration, se retrouve pris au cœur d'enjeux géopolitiques qui le dépassent. De Metal Gear Solid à Call of Duty, les missions, pour se justifier, n'hésitent pas à réécrire l'histoire. Dépassé par des enjeux géopolitiques incompréhensibles, le joueur est ainsi ballotté d'une destination à l'autre - car le complot est bien souvent mondial - voire d'une époque à l'autre : la série des Assassin's Creedse fonde aussi sur un ancestral combat entre des «assassins» (que l'on incarne) et l'Ordre des Templiers, prétexte à des reconstitutions historiques de Rome, Paris ou Londres.

Mais en matière d'exploitation du complot, on a rarement fait mieux que la série X-Files, récemment ressuscitée : aliens, virus, expériences génétiques… le gouvernement américain y est très cachottier. Cette large conspiration est le fil rouge, passablement effrité sur la fin, de la série créée par Chris Carter. On peut d'ailleurs supposer qu'elle a contribué à créer bien des vocations de détectives 2.0 et autres contradicteurs perpétuels des «versions officielles», telle celle des attentats du 11 Septembre, survenus quelques mois avant la (première) fin de la série.

Carburants narratifs

Dans X-Files, le complotisme est un des carburants narratifs essentiels. Ainsi, le slogan du show, «La vérité est ailleurs», a pour variante «Ne faites confiance à personne» : pratique pour justifier les retournements de situations improbables et autres incohérences scénaristiques des aventures de Mulder et Scully durant 208 épisodes.

Le dernier épisode de la nouvelle saison, diffusé jeudi soir sur M6, est clairement l’un des pires jamais produits. Carter a cru que citer Edward Snowden au détour d’un dialogue et introduire un personnage de complotiste star de YouTube suffirait à rendre sa série pertinente après quatorze ans d’absence. Le résultat sonne hélas comme une mauvaise parodie de son œuvre. Et pour qui ne serait pas d’accord, ce n’est pas sous l’influence des Illuminati que ces phrases sont rédigées.