En proposant lundi les «Hauts-de-France» pour désigner le mariage entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, l’assemblée délibérante de la nouvelle institution a frappé fort. Il faut oser proposer l’adjectif «hauts» pour la région la plus plate du pays. En l’absence de reliefs notables, «hauts» semble n’être là que pour désigner le haut de la carte, soit le genre de réponse qui vous vaut un zéro en cours de géo. Quant au pluriel, mystère. A considérer que la France ait un «haut», il n’y en a qu’un : Bray-Dunes, dans le Nord. Les autres lieux sont forcément le «bas» de quelque chose, ne serait-ce que de Bray-Dunes.
Même si ce choix des mots est géographiquement idiot, il est psychologiquement malin : dire à des territoires qu’ils sont en «haut» de la France plutôt qu’en bas des classements console les identités malmenées. Ajouter «de France» est aussi un joli coup : ah, désolé les autres, le mot est pris… Amis investisseurs, la France, c’est ici !
En gros, les chercheurs de nouveaux noms se partagent en trois groupes. En Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, la tendance géographie propose «Rhin-Champagne» tandis que les amateurs d'histoire remontent jusqu'aux Mérovingiens pour ressortir de la poussière «Austrasie», au risque de faire migrer la région dans les têtes des citoyens jusqu'aux frontières du Caucase. Les ancêtres de la Révolution avaient eu bien du mal à évacuer les noms de l'Ancien régime, les puissantes provinces et leurs encombrants seigneurs. De nos jours, il arrive encore que monsieur Météo annonce de la pluie «sur le Quercy» mais, à part lui et les offices de tourisme, il n'y a plus grand monde sur ce vocabulaire de l'ancien temps.
Dans les années 60, la technostructure à la française a baptisé les 22 régions qu’elle instaurait. On doit à ces grands créatifs l’appellation «Centre», mot d’autant plus malheureux que la région en question ne s’y trouve pas. Après des années de souffrance, les élus ont obtenu, lors de la réforme territoriale, qu’elle soit rebaptisée «Centre-Val-de-Loire». Plus joli.
Mais comment ces fonctionnaires ont-ils pu produire un terme tel que «Paca» à partir de Provence, Alpes et Côte d’Azur ? Noyer la célébrissime marque Côte d’Azur dans quatre lettres ne signifiant rien, il faut le faire… Curieusement, l’affreuse formule de l’acronyme semble plaire. Le président d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, trouve «Aura» impeccable. Dans l’Est, «Acal» s’impose déjà, au point que des élus ont même proposé «Acalie». Un produit d’entretien ? Une maladie ?
Il serait temps que la population s’en mêle. On sent un frémissement sur les réseaux sociaux, des lycéens ont été consultés dans certaines régions, mais ce n’est pas encore ça. Vivement le grand débat national qui enflamme les repas de famille, les discussions de comptoir. Et le Net.