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Droit de suite

Le cardinal Barbarin, entre l'enclume politique et le fer judiciaire

En marge de la Conférence des évêques de France (CEF) qui se tient à Lourdes, Philippe Barbarin s'est défendu d'avoir couvert «des actes pédophiles». Manuel Valls appelle le cardinal de Lyon à prendre «ses responsabilités».
Le cardinal Barbarin à Lourdes, le 15 mars 2015. (Photo Laurent Ferrière pour Libération)
publié le 15 mars 2016 à 18h33

Il faut sauver le soldat Barbarin. En la matière, l'image vaut message. A Lourdes ce mardi, l'épiscopat catholique, réuni pour son assemblée générale de printemps, a resserré les rangs autour du cardinal-archevêque de Lyon pris dans la tourmente d'affaires de pédophilie. Entouré du président de la Conférence des évêques de France (CEF), Georges Pontier et de l'évêque de Pontoise, Stanislas Lalanne, en charge de ces dossiers épineux, Barbarin a clamé, lors d'une conférence de presse, que «jamais, jamais, jamais» il n'avait couvert «le moindre acte de pédophilie». Pour forte qu'elle soit, cette déclaration ne sera pas suffisante pour sortir de l'ornière le patron du diocèse de Lyon, interpellé le jour même par le Premier ministre, Manuel Valls.

Le chef du gouvernement lui demandait de «prendre ses responsabilités». Des mots que certains ont interprétés, de suite, comme une invitation à la démission. Réponse à Lourdes : «Le Premier ministre connaît les lois de la République» et de la «présomption d'innocence». L'affaire prend, de fait, une tournure de plus en plus politique. Une coloration qui embarrasse l'épiscopat où Barbarin n'a pas que des amis. «On ne veut pas jouer le match retour de la Manif pour tous», disent certains.

Déjà fragilisé par une enquête préliminaire pour «non-dénonciation d'atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans» ouverte fin février, l'archevêque de Lyon voit remonter d'autres affaires. Emanant d'un responsable du ministère de l'Intérieur, une plainte pour une autre affaire d'atteintes sexuelles qui remontent aux années 90 vise également Barbarin. Une troisième affaire devrait éclater dans les jours à venir. Les nuages s'amoncellent donc au-dessus de Fourvière. Et la polémique politique perturbe, selon des sources judiciaires, le bon déroulement des enquêtes en cours.

Sauver le soldat Barbarin, donc. Mais «pas à n'importe quel prix», c'est aussi le message que font passer, ces jours-ci à Lourdes, des responsables catholiques. Bref, pour certains, la prescription (qui devrait protéger Barbarin de poursuites judiciaires) ne vaudrait pas absolution. Pour l'Eglise catholique en France, il s'agit surtout de préserver son image. Pontier, son président, a rappelé les efforts faits en matière de lutte contre la pédophilie depuis quinze ans. L'évêque de Pontoise, interrogé par Libération, estime, lui, que l'Eglise catholique en France a encore des «progrès à faire». Notamment, en matière d'écoute des victimes. Mis à part quelques très rares diocèses, comme celui d'Orléans, il n'existe pas de cellule d'accueil, une piste à explorer selon Stanislas Lalanne.

Il y a quelques années, cette proposition avait provoqué de très houleux débats au sein de l'épiscopat français, certains prélats redoutant que les anciennes victimes ne réclament des indemnités. Aux Etats-Unis, une dizaine de diocèses ont été ainsi obligés de déposer le bilan à la suite des scandales de pédophilie qui ont frappé le catholicisme américain depuis le début des années 2000.