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Trente ans après, les 35 députés FN de 1986 sont presque tous partis

Le 16 mars 1986, le Front national obtenait ses 35 premiers députés. Trente ans et bien des départs plus tard, seuls deux d'entre eux sont toujours actifs au sein du parti.
Trente ans après... (Photo AFP/ montage Libération)
publié le 15 mars 2016 à 7h31

Tout en haut, à droite : telle est, à l'Assemblée nationale, la place des deux députés «bleu marine» élus en 2012, Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard. Telle était aussi celle de leurs 35 prédécesseurs, élus il y a trente ans exactement. Le 16 mars 1986, le Front national obtenait 9,6% des voix aux élections législatives et envoyait une forte délégation au Palais-Bourbon : une performance rendue possible par le passage à un scrutin proportionnel, décidé par François Mitterrand quelques mois plus tôt. Se plaçant dans l'opposition à la majorité RPR-UDF, le groupe «FN-Rassemblement national» déposera en deux ans 63 propositions de loi, visant notamment à rétablir la peine de mort ou à instaurer la «préférence nationale». Ce séjour parlementaire s'arrêtera net en 1988 : le scrutin majoritaire ayant été rétabli, une seule députée frontiste conserve alors son siège.

Aussi bref soit-il, l’épisode est un moment important dans l’histoire de l’Assemblée. La suite de l’histoire ne l’est pas moins. Des 35 députés FN, 25 rompront avec le parti à plus ou moins long terme – certains, même, en cours de mandat. Et sur les 17 encore vivants aujourd’hui, seuls deux sont toujours membres du Front. Revisiter le parcours des «35», c’est donc mesurer l’extrême volatilité du parti lepéniste : tendu entre sa quête de respectabilité et ses pulsions radicales, le mouvement ne semble progresser que par crises successives, l’expulsion de Jean-Marie Le Pen étant la dernière en date. Une histoire qu’il n’est pas inutile d’étudier, alors que le parti espère obtenir un nouveau groupe parlementaire à l’issue des législatives de 2017.

Perdus en route (1986-1988)

Sur les 35 députés du groupe FN-RN, plus de la moitié a rejoint le parti depuis moins de deux ans, et certains n’en sont même pas membres. Médecins ou avocats, universitaires ou aristocrates, ils doivent renvoyer une image respectable du parti. Mais le courant ne passe pas toujours bien entre les représentants du Front national historique et les nouveaux venus. Qui plus est, parfois issus de la droite «classique», ces derniers n’approuvent pas tous le statut d’opposant adopté par Jean-Marie Le Pen face au gouvernement Chirac. Entre 1986 et 1988, plusieurs députés prendront leurs distances avec le FN, certains très tôt après leur élection. Le seuil nécessaire à la constitution d’un groupe est alors de 30 membres : commencée à 35, la mandature s’achèvera juste au-dessus de ce seuil fatidique.

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 Les déçus de Le Pen (1988-1998)

Les élections législatives de 1988 voient le retour du scrutin majoritaire, si souvent fatal au FN. Des 35 députés de 1986, seule Yann Piat sauvera son siège. Pour beaucoup d'autres, c'est le temps des désillusions. En septembre 1987, Jean-Marie Le Pen a qualifié les chambres à gaz de «point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale». Un an plus tard, il commet le calembour «Durafour crématoire» au sujet du ministre de la Fonction publique. Deux saillies qui scellent la «diabolisation» du leader frontiste et révulsent même certains de ses amis. Plusieurs quittent le parti à partir de la fin des années 80, certains que son président le conduit à l'impasse. La période voit aussi le décès accidentel de Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du FN. Disparition qui facilite l'émergence d'un autre responsable frontiste : Bruno Mégret, nouveau numéro 2 du mouvement.

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Les mégrétistes (1999)

Le FN progresse-t-il grâce à sa diabolisation, ou malgré celle-ci ? Fin 1998, Bruno Mégret a depuis longtemps tranché en faveur de la seconde option. L’ambitieux bras droit de Jean-Marie Le Pen, ex-député de l’Isère, ne supporte plus les outrances répétées de son président. Lorsque celui-ci, déclaré inéligible par la justice, décide que c’est sa femme Jany qui le remplacera en tête de liste lors des élections européennes de 1999, la guerre est déclarée. Elle débouchera sur une scission, officialisée par le lancement du Mouvement national républicain, qui draine près de la moitié des militants frontistes. Et si l’aventure du MNR tourne rapidement court sur le plan électoral, ce conflit affaiblira durablement le parti de Jean-Marie Le Pen.

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 Les marino-sceptiques (2005-2015)

Les années 2000 voient l’émergence d’une nouvelle figure au sommet du parti : Marine Le Pen, télégénique jeune femme aux ambitions rénovatrices. Consternée par l’échec de son père au second tour de la présidentielle de 2002, Marine Le Pen et ses amis souhaitent rénover l’image du parti pour élargir son audience. Un projet, et une concurrence, que ne goûte guère la vieille garde du Front. Une partie d’entre elle s’opposera ouvertement à Marine Le Pen. Plutôt qu’à une nouvelle scission, c’est à une succession de départs individuels ou d’exclusions que l’on assiste tout au long de la période. Une série dans laquelle il est permis de compter Jean-Marie Le Pen : débarqué en 2015 après de nouvelles déclarations polémiques, l’ex-député est la dernière victime d’un marinisme dont il a lui-même facilité l’avènement.

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Les survivants

Toujours vivants et toujours au Front : trente ans plus tard, Jean-François Jalkh et Bruno Gollnisch sont les derniers vétérans de 1986 à présenter ce profil. Le premier occupe même des fonctions importantes dans l’appareil frontiste. Prétendant à la succession de Jean-Marie Le Pen, mais battu par la fille de celui-ci en 2011, Bruno Gollnisch a quant à lui pris un peu de champ, tout en restant membre du bureau politique du FN.

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