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Libération

Déchéance de nationalité : ruse politique au Sénat

par Zahia RAHMANI
publié le 16 mars 2016 à 20h01

La joute oratoire qui s'est jouée mercredi au Sénat à l'ouverture du débat sur la déchéance de nationalité valait le détour. Philippe Bas (LR) a rappelé qu'il n'y avait pas de consensus autour de cette question mais «un compromis» qui n'engage que les députés socialistes. «Je refuse que cette révision constitutionnelle soit la porte ouverte, demain, à des excès», a-t-il répondu à Manuel Valls. La déchéance ne concernerait que les «crimes» et non plus les délits. Un délit ? A tout moment, la loi peut modifier sa nature.

Je suis née en France de parents nés au Maroc. Je suis française et aussi de nationalité marocaine. Mon fils est né en France. D’un père normand. Il s’appelle Pierre. Et comme il est né de moi, d’une mère marocaine, il est aussi de nationalité marocaine. Cela, Pierre ne le sait pas encore. C’est un enfant. Si demain il devenait «zadiste» et que cela devienne un délit, car les excès pointent, comme le dit Philippe Bas, il pourrait être expulsé. De nombreux parents devraient donc dire à leurs enfants : oui, tu es aussi marocain, ou tunisien, ou algérien, ou américain, ou chinois, et donc tu ne peux pas trop t’engager dans la critique…

Cela, monsieur Valls, ancien ministre de l’Intérieur, le sait et la majorité des sénateurs semblent ne pas l’accepter. Et je les remercie de permettre à Pierre d’avoir demain le droit d’être «zadiste» sans être déchu pour cela.

Une ruse politique se joue au Sénat. Elle devrait démontrer que la déchéance de nationalité ne relève pas de la loi fondamentale de la République française. Voilà qui fait honneur à cette haute assemblée. Malgré tout.