L'abbé Pierre-Hervé Grosjean est un homme de son époque. Compte Twitter, blog (Padreblog), plateaux de télévision, il œuvre inlassablement à répandre la bonne parole. Fils de famille nombreuse, catholique et pratiquante, il a éprouvé tôt le désir de servir une grande cause, entrant au séminaire dès l'âge de 18 ans et demi, puis ordonné à Versailles, en 2004, avant d'être nommé curé de la paroisse de Saint-Cyr-l'Ecole (Yvelines) en 2012. Aujourd'hui, à 38 ans, il ne cesse de battre le pavé, apôtre de sa foi et de son prochain livre Catholiques, engageons-nous ! Nous avons eu envie de l'interroger après l'avoir vu sur le plateau du Grand Journal de Canal + où il faisait entendre une parole sincère.
Le fait que le cardinal Barbarin ait préfacé votre livre n’est-il pas une épine dans le pied ?
Non, je lui suis fidèle. C’est un évêque qui a su encourager la jeune génération, qui a toujours été au service des plus pauvres, en pointe en faveur des réfugiés et des chrétiens d’Orient. Je suis parti en Irak avec lui visiter les minorités persécutées. J’ai vu comment il a alerté [sur ce sujet].
Comment faire entendre une parole d’Evangile sur un plateau de télé ?
Le sujet impose la gravité, y compris sur le plateau de Canal +, car tout le monde comprend qu’on ne peut pas être juste dans le déni pour défendre l’institution ou dans l’instrumentalisation de ces drames pour attaquer l’Eglise. On parle d’enfants qui ont été victimes et on doit respecter ces victimes, on leur doit la vérité et la justice, et l’Eglise doit être de leur côté. La seule chose qui compte, c’est de protéger les enfants. Tous n’étaient pas croyants sur ce plateau, mais tout le monde comprenait que rien n’est pire que trahir la confiance d’un enfant. Ma génération a été formée dans cette certitude-là, cette exigence de tolérance zéro et ce devoir de vérité. Cela nous a été répété tout au long de notre formation.
D’où vous vient cette volonté acharnée à parler ? N’est-ce pas un peu compliqué en ce moment ?
Je suis impressionné par l’espérance que suscite l’Eglise et le scandale est encore plus grand quand elle n’est pas à la hauteur de son message d’espérance. Cela dicte la façon dont l’Eglise doit défendre sa place, car elle doit être la voix des sans voix.
Cette Eglise est encore à construire, non ?
Bien sûr ! Je suis très frappé de voir le désert spirituel qu’a laissé Mai 68. La demande de repères est un retour du balancier. Il y a une soif d’absolu à laquelle il faut répondre sinon d’autres viendront.
Peut-on être un homme d’Eglise heureux ?
Oui, je suis un prêtre heureux, j’accomplis ma vocation, je suis à la bonne place, dans une paroisse qui m’ancre sur le terrain. Moi, je trouve que cette époque est stimulante, on se plaint beaucoup, mais je trouve qu’elle réclame des chrétiens un engagement renouvelé.
C’est-à-dire ?
La jeune génération catholique pratiquante est minoritaire, d'où le paradoxe qu'il y a à devoir se battre parce qu'on est aujourd'hui une minorité dans un pays de culture chrétienne. On n'a pas le choix : soit cette nouvelle génération se dilue, s'épuise parce qu'elle est à contre-courant, soit elle se replie, soit elle prend une troisième voie, celle de l'engagement décomplexé, celle à laquelle je crois car l'histoire est faite par les minorités les plus convaincues. «L'avenir appartient aux minorités créatives», avait dit Benoît XVI… Si nous ne savons pas partager cela, on disparaît. Oui, il faut changer de monde, mais en partant de ce qu'il est. Je ne suis pas dupe, je vois bien que ce monde est blessé, mais on est appelé à le servir. Or le modèle de société auquel nous tenons n'est plus évident pour tous. La culture commune d'autrefois n'est plus et c'est à cela que l'Eglise doit travailler : retrouver un bien commun.
Mais la parole est brouillée, y compris au sein de l’Eglise…
On ne peut pas rêver d’une parole chrétienne consensuelle. La parole de l’Evangile bouscule. Elle éclaire mais elle ne suscite pas l’unanimité. L’Eglise essaie au moins de garder une parole libre. Moi, j’ai grandi à une époque où la religion catholique était déjà minoritaire, j’ai grandi avec la nécessité d’expliquer ma foi et ce que je ressentais à mes amis qui eux, ne croyaient pas. J’y ai puisé cette envie de partager mes convictions au-delà des frontières de l’Eglise.