La pratique est en passe de devenir une habitude : après un attentat en France, une commission d’enquête parlementaire est lancée. A chaque fois, le sujet choisi par la commission est connexe. Et pour cause : une commission parlementaire ne peut pas se superposer, encore moins se substituer, à une enquête judiciaire. Le problème, déjà soulevé par l’affaire Cahuzac, se pose de nouveau à propos de la visite d’une quinzaine de membres de la commission d’enquête au Bataclan, où 90 personnes ont été tuées le 13 novembre. La visite de jeudi matin a été présentée comme une «reconstitution», un terme emprunté au champ judiciaire.
Dès le lancement de la commission, à l'initiative du député de l'opposition Christian Jacob, la garde des Sceaux avait averti : son périmètre était «susceptible de recouvrir pour partie celui de certaines enquêtes et informations judiciaires».Donc d'être hors des clous. Les députés se sont donc engagés à veiller «à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire».
Ont-ils mordu la ligne en se rendant au Bataclan ? «Notre visite n'a strictement rien à voir avec une reconstitution, tranche Pascal Popelin, membre socialiste de la commission, nous voulions voir in situ pour comprendre l'enchaînement des faits.» «Ce n'est pas notre rôle. La commission enquête sur l'organisation des services, sur les enseignements tirés après les attentats de janvier. Aller au Bataclan n'apporte pas grand-chose surtout après les auditions des patrons du Raid, du GIGN, de la BRI…» objecte sous couvert d'anonymat un député qui participe aux travaux. Il ne faisait logiquement pas partie de la délégation dans la salle de spectacle.
Le président de la commission, le LR George Fenech : «Nous [allions] voir chronologiquement quelle a été leur intervention, pourquoi il a fallu trois heures entre la première attaque et [la fin de] l'intervention.» Les élus entendent répondre aux interrogations qui ont ranimé la sempiternelle guerre police-gendarmerie.