La présidentielle de 2017, sinistre remake de celle de 2012, au seul prétexte que Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou, Nicolas Dupont-Aignan ou Nathalie Arthaud, de façon certaine, ou Nicolas Sarkozy, François Hollande et François Bayrou, plus hypothétiquement, seraient de nouveau sur les rangs ? Si ce casting ne semble pas parti pour marquer un renouvellement (Juppé portant les couleurs de la droite, cela ne changerait pas la donne), la prochaine présidentielle s’annonce pourtant comme un scrutin inédit. Pour au moins cinq raisons. Pas plus réjouissantes.
Jamais sous la Ve République le parti portant les couleurs de l'extrême droite n'était à ce point apparu comme le favori du premier tour de la présidentielle à venir. Jusqu'à borner les ambitions de ses principaux concurrents au fait de figurer face à sa candidate au second tour. Un nouveau 21 avril dont il ne s'agirait que de savoir s'il est à l'endroit, face à la droite comme en 2002, ou à l'envers, avec un candidat de gauche qualifié. Dans un contexte où, même si nombre d'élections intermédiaires ont montré que le FN a désormais la capacité de surmobiliser d'un tour à l'autre, celui-ci se heurte toujours au plafond des 50 %. Encore faut-il que la participation soit massive.
Jamais sous la Ve République un chef de l'Etat n'était apparu aussi affaibli et sa réélection aussi incertaine, à un peu plus d'un an du premier tour. La capacité et la légitimité de François Hollande à ne serait-ce que se porter candidat restent un sujet de débat dans sa famille politique, où certains continuent d'affirmer que le président sortant doit en passer par une primaire. Quant à la possibilité de remporter le scrutin de 2017, elle dépend en premier lieu d'un effondrement de la droite puis d'une large mobilisation contre le FN.
Jamais sous la Ve République les différents blocs qui composent la gauche - et en l'espèce la majorité qui a porté Hollande à l'Elysée - n'avaient pesé aussi peu dans les urnes. Alors que le PCF puis le PS ont joué ces dernières décennies les locomotives plus ou moins hégémoniques, plus une seule formation de gauche ne semble capable d'enclencher une quelconque dynamique électorale collective. Le PS digère encore les roustes reçues tout au long du quinquennat, et il ne semble même pas en avoir tiré de leçons. Les écologistes, en crise quasi permanente, apparaissent asphyxiés. Tandis que le Front de gauche n'en finit plus de parler à deux voix, les communistes regrettant l'échappée solitaire de Mélenchon et ses «insoumis».
Jamais sous la Ve République la défiance à l'égard de la classe politique n'avait été aussi forte. Jamais la gauche au pouvoir - situation pas si courante - n'avait tant déçu. Jamais la droite dans l'opposition n'avait dans le même temps suscité si peu d'appétit pour une alternance classique. De quoi tirer vers le bas la participation, hors FN, au premier tour de 2017. Dans un contexte où la question de voter contre - logique habituellement réservée au second tour - pourrait être dès le premier tour le moteur principal du vote.
Jamais sous la Ve République deux candidats qui ambitionnent de figurer au second tour de la présidentielle n'avaient eu au-dessus de leur tête de telles épées de Damoclès judiciaires. Sarkozy à de multiples titres (de Bygmalion à Bismuth), Le Pen avec l'affaire du micro-parti Jeanne. Deux candidats qui ont toutefois une capacité à faire des attaques dont ils se disent victimes des preuves que le «système» cherche à les empêcher. Un discours d'abaissement qui alimente, en espérant en profiter, la défiance à l'égard des institutions. Cela s'appelle du populisme.